Science for the Lulz

Le 27 février 2011

Introduisons un peu de lolcat dans la science avec Vran. Des chercheurs se sont lancés le pari de publier dans la célèbre et très sérieuse revue Science, une analyse détaillée et rigoureuse du lapement d’un chat filmé en slowmotion.

fff

fff

Article initialement publié sur Strange Stuff and Funky Things et selectionné par OWNIsciences

fff

fff

.

Reste-t-il dans le monde de la publication scientifique, une place pour la science ludique? Les sujets et les outils devenant de plus en plus pointus, le langage de plus en plus obscur et les revues de plus en plus spécialisées, la planète science a tendance à ne plus tourner que sur elle même et ne se montre que rarement aux yeux du grand public.

Heureusement (en plus des héroïques bloggeurs/journalistes vulgarisateurs que vous suivez régulièrement) il subsiste quelques équipes de chercheurs qui s’attachent à décrypter les mystères du quotidien et à répondre aux questions les plus fondamentales qui taraudent nos diencéphales.

Mieux encore, certaines parviennent même à publier leurs travaux dans les journaux les plus renommés, s’offrant par ce moyen une visibilité maximum.

L’étude que je vais vous présenter aujourd’hui est ainsi le résultat d’un pari fou et réussi : celui de publier en 2010 dans le célèbre journal Science, une analyse détaillée et rigoureuse du lapement d’un chat filmé en slow motion.

Science + Slowmotion + Chat (i.e mème internet potentiel) = une gigantesque perche tendue à Strange Stuff And Funky Things (et à OWNI).

Comment boire quand on ne peut pas pomper l’eau ?

S’il est vrai que tous les vertébrés terrestres ont un même besoin de boire, tous ne s’y prennent pas de la même manière. Ceux qui possèdent des joues complètes (comme les porcs, les moutons, les chevaux… et nous-mêmes) peuvent pomper l’eau jusqu’à leur bouche par succion et utilisent ensuite leur langue pour déglutir (à propos de succion, je ne peux m’empêcher de vous renvoyer à deux articles précédemment publiés sur les techniques de capture des poissons, avec des vidéos pour le moins impressionnantes).

Cependant, certains autres animaux, comme les chiens et les chats ont des joues incomplètes (ce que l’on appelle couramment des babines) qui ne leur permettent pas de fermer hermétiquement la bouche et rendent la succion impossible. Ceux-là sont obligés d’utiliser leur langue pour amener le liquide dans leur bouche, de manière plus ou moins élégante.

On notera d’abord l’exemple du chien qui replie sa langue en arrière et l’utilise comme une cuillère, occasionnant les éclaboussures et renversement de gamelle que l’on connait.

Boire avec sa langue technique n°1 : le chien

Le chat quant à lui, a une technique beaucoup plus subtile et intrigante, jouant sur la mécanique des fluides et nécessitant une fréquence de lapement calibrée en fonction de la masse de l’animal. Regardez:

(source : Reis et al, Science 2010)

En quelques millisecondes (fréquence moyenne de lapement chez le chat adulte f = 3.5±0.4 coups de langue /sec), la pointe de la langue vient toucher la surface (sans aller plus loin) et en remontant, lève une petite colonne de liquide sur laquelle le chat referme la bouche. L’image G illustre le fait que la partie de la langue qui touche le liquide est dépourvue de papilles filiformes (ces petits picots qui lui donnent sa rugosité), ces dernières ne sont donc pas impliquées dans le processus.

Mais comment le chat fait-il pour lever une mini-colonne de liquide sans plonger sa langue à l’intérieur? Les auteurs ont étudié la question en recréant un modèle mécanique de lapement à l’aide d’un disque de verre (matériau hydrophile) touchant une surface liquide puis remonté à vitesse ajustable.

(source : Reis et al, Science 2010)

En résumé, voici comment se déroulent les événements. Tout d’abord lorsqu’ils entrent en contact, le liquide va mouiller la langue (ou le disque de verre) c’est à dire qu’il va y adhérer. Lorsque la langue remonte, elle tire le liquide et lui donne sa vitesse ascendante initiale, donc de l’énergie cinétique. Le liquide monte à son tour en formant une colonne pour laquelle deux phénomènes antagonistes s’affrontent : le poids de la colonne, qui augmente avec sa masse à mesure qu’elle s’agrandit et tend à la faire chuter, et d’autre part son inertie, qui tend à préserver le mouvement initial impulsé par la langue. La colonne conserve donc une vitesse orientée vers le haut tant que son énergie cinétique n’a pas été totalement convertie en énergie potentielle de pesanteur (c’est-à-dire, tant que l’accélération gravitationnelle n’a pas annulé sa vitesse initiale). Lorsque ce moment arrive, elle cesse de s’élever, et la gravité, qui continue bien entendu d’agir, la fait s’effondrer… à moins que le chat ne referme sa bouche avant pour happer le liquide.

Tout le talent de la bête réside alors dans le choix d’une hauteur où placer sa bouche au dessus de l’eau et le maintient d’une fréquence de lapement optimale pour faire s’élever rapidement des colonnes de liquide suffisamment larges pour étancher sa soif. Forts de leurs conclusions, les auteurs ont extrapolé avec succès la théorie aux autres félins (tigres, lions, guépards…) et ont montré que la fréquence de lapement dépend de la masse de l’animal. Ainsi, plus le chat est gros, plus il lapera lentement.

Références

Notes

  • Sirtin a aussi abordé le sujet.
  • Dans leur article, Reis et ses collaborateurs citent un vieux film de la Metro-Goldwyn-Mayer : Quicker’n a Wink. Je vous recommande chaudement ce court)métrage oscarisé de 1940 qui montre devinez quoi ? Un chat qui lape, filmé en slow motion (et plein d’autres choses).

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés