OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [ITV] Peter Sunde défend la vision de Flattr http://owni.fr/2011/02/11/itv-peter-sunde-defend-la-vision-de-flattr/ http://owni.fr/2011/02/11/itv-peter-sunde-defend-la-vision-de-flattr/#comments Fri, 11 Feb 2011 13:17:42 +0000 Leo Mirani (traduction Thomas Seymat) http://owni.fr/?p=46116 Lorsque le cofondateur d’un des moteurs de recherche de torrents les plus connus du monde parle de la nécessite pour les personnes d’être rémunérées pour leurs créations, c’est d’abord le scepticisme qui s’installe. Pourtant, Peter Sunde, ancien porte-parole de The Pirate Bay, est convaincu que non seulement les gens devraient payer pour ce qu’ils consomment en ligne mais qu’en plus les internautes le veulent aussi.

Flattr, créé par Sunde et Linus Olsson en mars 2010, ouvre la voie. Similaire au bouton “like” de Facebook, Flattr permets à ses utilisateurs de donner une somme d’argent de leur choix aux sites web qui sont membres. Chaque mois, les utilisateurs paient Flattr un minimum de 2€. Ils peuvent “flatter” autant de sites Internet qu’ils le souhaitent et en fin de mois, les 2€ (ou 20€ ou 50€…) sont divisés entre les sites qui ont été cliqués, auxquels on sosutrait 10% de frais. Les utilisateurs peuvent aussi ajouter le bouton Flattr sur leur site.

Le processus est simple, ne requiert qu’un minimum de connaissances techniques et empêche les abonnés de dépenser plus que la somme qu’ils ont prévue. Owni.fr a rencontré Peter Sunde à Bombay, où il assistait à une conférence sur l’archivage, pour lui parler des ses derniers projets et de ses expériences passées.

Qu’est ce qui rend Flattr différent des autres systèmes de micropaiements ?

L’idée avec Flattr, c’est de créer un système simple d’utilisation pour que les gens puissent partager de l’argent sur Internet, dans un contexte d’abondance de l’information. On ne peut pas vraiment payer pour tout et ce serait même trop pénible de devoir payer pour tout. Flattr est un système particulier. Nous ne croyons pas que ce soit le système adéquat pour payer pour tout – on a besoin de plusieurs systèmes.

Existe-t-il un nombre suffisant de personnes prêt à payer pour quelque chose qu’ils pourraient avoir gratuitement ?

Prenez la Croix Rouge. C’est l’une des plus grandes organisations dans le monde. Ils ont des milliers et des milliers d’employés et ils reçoivent de l’argent. Pour nous, il est clair que les gens sont prêt à donner, c’est juste difficile et compliqué pour eux de le faire.

Mais il existe une différence entre une organisation caritative et un blog.

Les gens ont aussi besoin de culture. La culture est un élément tellement important dans la vie de tout les jours que les gens sont vraiment partant pour payer. Ou pour filer un coup de main plutôt que simplement payer. Ils veulent rémunérer les gens pour ce qu’ils créent.

Combien d’utilisateurs sur Flattr ? Et où le service est-il le plus populaire ?

Nous avons 70.000 utilisateurs, dont 30% sont des créateurs qui veulent se faire “flatter”. Mais ils doivent aussi dépenser de l’argent. C’est un système égalitaire dans lequel tout le monde doit s’engager et s’investir. Beaucoup de nos membres sont allemands. Les blogs politiques, les podcasts et les médias sont ceux qui se font le plus d’argent. Nous nous sommes rendu compte un jour que deux journaux allemands s’étaient inscrit sur Flattr à juste un jour d’intervalle. Mais ce n’est pas qu’une question d’argent. Il s’agit aussi pour eux de diffuser leurs articles parce Flattr, qui est un mélange de StumbleUpon, du bouton “like” de Facebook et de PayPal, permet de découvrir des nouvelles choses.

Vous préférez ne pas qualifier Flattr de système de paiement. Pourquoi ?

Payer nécessite avoir de l’argent ou prendre un crédit. Utiliser Flattr, c’est plus un acte volontaire. C’est davantage un encouragement, ou éventuellement un don. Ca montre aussi une certaine forme de soutien social. Si vous avez 400 “like” sur Facebook, cela veut seulement dire que 400 personnes ont cliqué sur un bouton. Mais avoir 400 “flatteurs” signifie que 400 personnes ont tellement aimé quelque chose qu’ils sont prêt à le soutenir financièrement, ce qui est une grosse différence.

Vous dites aussi que vous ne voulez pas savoir qui donne de l’argent à qui.

Si vous en savez trop sur les gens, la gestion devient un problème. Nous ne voulons pas construire un système où nous connaissons tout sur tout le monde. Quand on utilise Facebook, ils savent tout ce que vous faîtes, nous voulons être un contre-poids à cela. En plus, nous n’avons pas besoin de savoir, donc pourquoi devrions-nous essayer ?

Quel futur voyez-vous pour Flattr ?

D’abord, on a besoin de devenir très gros en termes de taille. Je veux que les gens soient capables d’en rémunérer d’autres. Un million d’utilisateurs à la fin de cette année (2011) est l’objectif minimal, même si j’espère que le chiffre sera plus proche de 5 millions. Ensuite, je veux introduire un système de paiement direct pour rendre possible l’achat de choses en utilisant Flattr.

Ne pensez-vous pas que ces discours sur la rémunération venant d’un des cofondateurs de The Pirate Bay puissent surprendre pas mal de gens?

L’idée de The Pirate Bay n’a jamais été de dire que les choses ne devaient pas avoir de coût. Il s’agissait de faire en sorte que les gens soient capable de partager de l’information, sans se soucier de ce qui était échangé. Sans censure ni filtre, ainsi nous n’introduisons pas de valeurs éthiques ou de moral dans votre vision du monde. C’est simplement une plateforme, rien de plus. Un moyen de transport pour l’information. Et cela ne devrait rien être d’autre. De la même manière qu’un FAI ne devrait pas décider quel site vous pouvez ou ne pouvez pas accéder.

Mais le nom lui-même suggérait le piratage.

Un pirate, c’est quoi? La définition vient d’une industrie qui appelle tout ceux qui ne font pas ce qu’elle veut des pirates. Nous avions envie de nous réapproprier ce mot, le rendre cool. Il était plus question de subvertir socialement ce que le mot signifie que de dire: “nous allons voler toutes vos affaires”.

Est-ce que vous pensez que Flattr attirerait autant l’attention si vous n’aviez pas été impliqué dans The Pirate Bay ?

Il est clair que non. Et bien sûr, nous en tirons en quelque sorte partie. Ca nous fait économiser en marketing. Je vais dans des conférence, j’y parle de Flattr et on me paie pour ça. Mais je ne considère pas Flattr comme une entreprise comme les autres. Le but n’est pas de se faire de l’argent, l’objectif est de changer les choses. Ce n’est pas une entreprise “non-profit” stricto sensu, mais je la voie plutôt comme une une façon de financer d’autres projets similaires.

Comment vous êtes-vous retrouvé à participer à The Pirate Bay?

Au début, j’étais engagé dans Piratbyrån (“le bureau piratage”). En Suède, il y avait l’Antipiratbyrån (le bureau anti-piratage) qui était principalement un groupe de lobbyistes d’Hollywood œuvrant en Suède. Donc des artistes, des hackers, tout ceux qui étaient engagés et intéressés par Internet ont lancé Piratbyrån, qui était alors un projet pour rigoler. Au début, il y avait peut-être 40 personnes qui y travaillaient sur de nombreux projets, l’un d’eux étant Pirate Bay. A l’époque, tout le monde utilisait des connexions directes pour le partage de fichiers, ce qui n’était pas terrible d’un point de vue légal et c’était surtout très lent. BitTorrent était largement supérieur et nous voulions nous assurer que les utilisateurs pouvaient comprendre son fonctionnement et qu’il soit en suédois. En fin de compte, il a pris beaucoup d’importance et est devenu un projet indépendant, séparé du reste.

The Pirate Bay a souvent été menacé d’actions en justice par quelques unes des entreprises les plus puissantes du monde. En tant que leur porte-parole, comment est-ce que vous avez réagi ?

On a commencé par faire pas mal de recherches au niveau légal. Et nous avions l’aide de Mikael Viborg, qui est probablement l’une des personnes les plus talentueuses en Suède dans le domaine de la propriété intellectuelle. Nous avons aussi compris qu’une firme américaine ne peut pas venir et citer des textes de droits étasuniens dans une cour de justice en Suède. Nous leur envoyions des cartes montrant où est la Suède et disant « nous ne sommes pas encore partie intégrante des Etats-Unis ». Nous leur envoyions aussi des photos d’ours polaires qui disaient “Vous avez peut-être des problèmes de droit d’auteur mais ici nous avons des problèmes avec des ours polaires qui essaient de nous manger”. Et les entreprises ne savaient pas quoi répondre.

Vous êtes célèbre pour avoir dit que vous préféreriez détruire par le feu tout ce que vous possédez plutôt que de payer l’amende de 3,6 millions d’euros exigé par le verdict de la cour en Suède.

Je ne pense pas être coupable de quoi que ce soit. Je n’ai rien fait de mal.

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Crédits photo: Flattr

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Le partage est légitime http://owni.fr/2010/09/27/le-partage-est-legitime/ http://owni.fr/2010/09/27/le-partage-est-legitime/#comments Mon, 27 Sep 2010 15:01:15 +0000 Philippe Aigrain http://owni.fr/?p=29613 Le partage de fichiers représentant des œuvres couvertes par le droit d’auteur entre individus sans but de profit a été rendu illégal au cours des 30 dernières années dans la plupart des pays1 et dans la plupart des cas. Cela ne m’empêche d’affirmer haut et fort que l’acte de prendre une œuvre numérique qu’on a acquis2 et de la copier, la rendre accessible à d’autres ou leur envoyer est non seulement légitime, mais une contribution essentielle à l’établissement d’une culture commune.

Je propose de défendre cette position en suivant les points suivants: montrer l’utilité du partage (délimité comme ci-dessus) et sa légitimité même sans autorisation des auteurs, montrer que lorsqu’on l’interdit, les pratiques culturelles appauvrissantes chassent les pratiques enrichissantes, et finalement affirmer que la prohibition du partage sera un jour vue comme un étonnant obscurantisme.

Le partage bénéficie toujours à l’auteur

Le partage est utile et légitime même lorsqu’il concerne des œuvres dont on n’est pas l’auteur. Pendant des siècles, chacun fut libre de transmettre à d’autres des œuvres comme les livres ou les disques selon son bon vouloir. Cela fut codifié par deux mécanismes distincts : la doctrine de l’épuisement des droits par la première vente et la reconnaissance que les actes dans la sphère privée ne regardent en rien les détenteurs de droits3. Il était accepté qu’un telle transmission des œuvres était à la racine d’une culture partagée, et au bout du compte bénéficiait aux auteurs et autres contributeurs.

Avec le développement de l’informatique, de la numérisation et d’Internet, l’échelle et la portée du partage furent considérablement étendus. Son utilité n’en souffrit nullement. De fait, le partage se trouva doté d’une nouvelle fonction: contrebalancer à un certain degré la capacité des médias centralisés à concentrer l’attention du public sur un tout petit nombre d’œuvres pour maximiser le profit tiré de chaque titre. Dans l’ère de l’information, si le partage à grande échelle ne fournissait pas un canal alternatif de distribution, l’accès effectif à la culture serait sérieusement appauvri.

Depuis 2006, il m’a été possible de démontrer un effet positif important du partage de fichiers sur la diversité d’attention aux œuvres, d’abord dans le cas du partage volontaire4, et plus récemment pour le partage pair à pair eDonkey/eMule5.

Financer la production des œuvres autrement

Récompenser et financer la production des œuvres est utile en soi, et non à titre de compensation. L’informatique et Internet portent un développement explosif de la créativité, de l’expression publique et de l’échange d’information. Le nombre de personnes qui s’impliquent dans ces activités, et parmi elles, de celles qui souhaitent investir plus de temps et d’énergie pour des productions plus élaborées est en croissance constante. Réussir à fournir à autant de personnes les moyens de mieux contribuer aux communs culturels est un défi majeur, que ces moyens consistent en récompenses pour des œuvres déjà produites ou en soutien à la production de nouvelles œuvres.

Comme la valeur ajoutée du numérique ne se matérialise qu’en l’absence de coûts de transaction dans le chemin de l’accès et de l’usage, de nouveaux modèles de mutualisation de ressources seront nécessaires, au-delà des soutiens publics et des marchés qui continueront à jouer un rôle important. Cette mutualisation existe déjà en partie, utilisant des mécanismes volontaires, bottom-up comme Kickstarter et Flattr, par exemple.

Beaucoup pensent néanmoins (et j’en suis) qu’il sera nécessaire de mettre en place des mécanismes de contribution obligatoire de tous pour collecter et distribuer les ressources adaptées à l’échelle immense des activités informationnelles. Quels que soient les modèles qui seront mis en place, une chose est sûre, leur pertinence n’a rien à voir avec la compensation des souffrances supposées de certaines industries6.

D’abord, parce que considérés macroscopiquement, ces secteurs économiques vont on ne peut mieux7. Ensuite, parce que ce qui ne va authentiquement pas bien dans chacun de ces secteurs, à savoir la concentration de l’attention du public et des revenus sur un petit nombre d’artistes et de détenteurs de leurs droits, sera en partie corrigé par un partage rendu légal. Les ressources d’une masse très étendue de créateurs seront significativement accrues si un système de financement spécifique à Internet et socialement équitable8 est mis en place. Le reste relève de la conduite de politiques de concurrence exigeantes dans le domaine des médias.

La répression entraine de mauvais usages

Quand le partage est réprimé, de mauvais types de technologies et d’usage remplacent ceux qui sont socialement utiles. La situation présente, caractérisée par la stigmatisation et la répression du partage est profondément insatisfaisante du point de vue culturel. Les droits légitimes des usagers sont niés, l’accès non autorisé ne disparait pas, mais il est rabattu sur l’usage de technologies appauvrissantes, comme le streaming. Celui-ci, par exemple, maintient la plupart des usagers9 dans une situation de réception passive quand les technologies disponibles leur permettraient - quand ils le souhaitent  de s’investir dans toute la gamme des activités qui vont de la réception critique à la production amateur ou semi-professionnelle.

La guerre spécifiquement conduite contre le partage pair à pair par des moyens technologiques, juridiques ou de lavage de cerveau constitue une régression culturelle aberrante. Le résultat net de 15 ans de répression du partage de fichiers est de maintenir une part importante de la population dans des situations de réception passive et de ne permettre à une minorité de bénéficier des bénéfices des communs culturels que dans un environnement marginalisé, stigmatisé et pollué.

Pourquoi se priver de distribuer la culture ?

Agir comme un distributeur volontaire des productions culturelles10 est une capacité fondamentale de près de deux milliards d’êtres humains. Un jour, on se demandera comment il fut possible à certains d’entre nous de vouloir priver leurs concitoyens de cette capacité. Dans la Grèce antique, quand l’écriture alphabétique se répandit et permit de transcrire la parole, certains prêtres et philosophes virent dans cette capacité un sacrilège et un risque de destruction de leur civilisation11. Heureusement, l’écriture ne fut pas mise hors la loi, mais il fallut des millénaires pour que la majorité des populations se l’approprie. Espérons qu’il ne faudra pas autant de temps, pas même un siècle, pas même dix ans, pour reconnaître le partage.

Article publié initialement sur le blog de Philippe Aigrain en Creative Commons by-sa. Les inter-titres ont été modifiés et les illustrations rajoutées par la rédaction d’OWNI .

Illustrations FlickR CC by-nc : Toban Black, Andy Woo

  1. Pas l’Espagne, par exemple []
  2. Commercialement ou en la recevant d’une autre personne. []
  3. Je ne fais pas référence ici aux lois sur la copie privée qui ont en réalité limité les droits d’usage dans la sphère privée en les soumettant à une compensation. Ce que je souligne, c’est que pendant des siècles, le copyright et le droit d’auteur n’ont rien eu à dire des actes dans la sphère privée []
  4. Philippe Aigrain, Diversity, attention and symmetry in a many-to-many information society, First Monday 11,6 []
  5. Philippe Aigrain, Sharing: Culture and the Economy in the Internet Age, à paraître en 2011 []
  6. Si nécessaire, on pourra bien sûr démontrer, pour les besoins des nécessaires réformes des lois sur le droit d’auteur ou le copyright, que créateurs et même investisseurs sont plus que compensés des dommages éventuels qu’ils subiraient du fait d’une reconnaissance du partage. Mais ce n’est pas sur cette base que l’on peut construire les systèmes de financement de la création visant Internet. []
  7. Voir Felix Oberholzer-Gee and Koleman Strumpf, File Sharing and Copyright, NBER Series, 2010, p. 19-55. et mon propre travail utilisant un périmètre différent pour l’économie de chaque média. []
  8. C’est à dire distinct du droit d’auteur. []
  9. Ceux qui savent capturer les flux de streaming pour obtenir un fichier échappent à cet enfermement []
  10. sans but de profit et la plupart du temps en y investissant des ressources, au moins indirectement []
  11. Voir Clarisse Herrenschmidt, Les trois écritures: langue, nombre, code, NRF, Gallimard, 2007. []
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Flattr: vers un nouveau modèle économique? http://owni.fr/2010/08/11/flattr-vers-un-nouveau-modele-economique/ http://owni.fr/2010/08/11/flattr-vers-un-nouveau-modele-economique/#comments Wed, 11 Aug 2010 16:35:45 +0000 David Dufresne | Davduf et Fil http://owni.fr/?p=21368 Peter Sunde est un Suédois marrant : animateur à une période de The Pirate Bay et condamné à ce titre à un an de prison et une amende de 30 million de couronnes (il a fait appel), il vient de lancer un nouveau projet de partage sur Internet : Flattr. Cette fois, on ne partage plus les contenus, mais… l’argent. L’histoire dit que ça faisait trois ans que lui et son équipe travaillaient sur la bête. Et on nous avait rien dit.

Le principe de Flattr est de promouvoir sur le net une circulation volontaire de micro-paiements, avec des contraintes minimes permettant d’espérer qu’à terme ces dons iront valoriser le travail créatif. Un projet similaire à celui de la Société d’acceptation et de répartition des dons (SARD — http://www.sard-info.org/ ), dont on attend avec impatience la mise en place [1]

Faut-il faire un dessin ? Quel qu’il soit, le travail créatif a parfois bien du mal à se trouver un « modèle économique » sur le Net. C’est tout l’enjeu de Flattr. Et on l’avoue et le savoure sans détour : qu’un début-de-prémices-d’alternative-possible-(on-est-encore-sûr-de-rien) puisse venir du côté des flibustiers scandinaves n’est pas pour nous déplaire. L’imagination au pouvoir vs l’arsenal du pouvoir.

Par travail créatif, Flattr entend textes, musiques, vidéos, sons, logiciels, et « le reste ». La force de Flattr réside aussi là : il ne se cantonne pas à un secteur. Flattr prend en compte nos usages : dans une journée, nous sommes tour à tour lecteur, puis geek, puis mélomane. Dans une journée, on peut saluer le travail de gens bien différents. C’est pourquoi, en fonction des besoins et des secteurs, le tout-gratuit ne peut être la réponse-à-tout et le système du tout-payant la réponse (viable) à rien.

Comment ça marche ?

Du côté du flatteur (celui qui donne) :

  1. Vous ouvrez un compte Flattr. Versement minimum : 2 euros.
  2. Vous décidez du montant mensuel que vous voulez dépenser (par exemple, vous avez placé 10 € sur votre compte, vous décidez de distribuer 3 € par mois, ce qui vous fera trois mois et dix jours, dévaluation estivale de l’euro ou pas…).
  3. A chaque fois que vous croisez un bouton Flattr sur un site qui vous plaît, votre index obéit à votre cœur, vous cliquez, et vous flattez. Si vous ne flattez qu’une fois en un mois, alors vous donnerez beaucoup (3 euros) à une seule personne/site/groupe. A l’inverse, si vous avez le clic fou, vous donnez peu à beaucoup de gens. Si on reprend l’exemple des trois euros, si vous cliquez dix fois dans le mois, cela fera : 3 € / 30 clics = 33 centimes par flattrie. Reprenons — en le flattrant, ça va sans dire — ce qu’a magistralement démontré un dénommé Arkados« C’est ça, tout l’intérêt de Flattr : ce n’est pas un don unique pour un tout, mais une multitude de dons pour autant de choses différentes ! »
  4. Un écran de contrôle vous dit où vous en êtes à tout instant dans vos contributions.

Du côté du flatté (celui qui reçoit) :

  1. Vous ouvrez un compte. Car, la philosophie Flattr, c’est : pour donner, je reçois. C’est Jean de La Fontaine dans l’(hyper)texte : « Apprenez que tout flatteur / vit aux dépens de celui qui l’écoute / cette leçon vaut bien un fromage sans doute. »
  2. Vous faites savoir par la présence d’un bouton Flattr sur votre site que toutes les flattries sont désormais les bienvenues. (Le bouton s’installe avec un simple morceau de javascript. Si vous utilisez un CMS, il existe probablement déjà un plugin qui le fait pour vous. Pour SPIP, rendez-vous dans quelques jours. Le plug in est route, le temps de régler deux/trois bricoles.

Comme le dit Damien Clauzel (doublement flattré par nos services), l’une des clés du système social de micropaiement proposé par Flattr est que « le mode opératoire doit être le plus simple possible, pour éviter les barrières ; les utilisateurs doivent avoir une vision et un contrôle clairs de leurs finances ».

Cliquer ici pour voir la vidéo.

OK, mais ensuite ?

Ce réseau de microdons marchera, ou pas, selon qu’il convaincra suffisamment de personnes de répartir deux ou trois euros chaque mois en flatteries auprès de leurs musiciens, dessinateurs, blogueurs, écrivains, ou codeurs préférés pour que cela rapporte plus que des clopinettes à certains.

Ça ne va pas être aisé. Un calcul simple : pour tirer un SMIC de Flattr, combien faut-il recevoir de flattries ? En supposant que le participant moyen verse 2 euros par mois et ne flatte qu’une personne par jour, on arrive au résultat de 10 000 flatteurs par mois. Et encore, sans compter qu’à partir d’un certain revenu, il faudra commencer à payer des taxes. Le calcul rejoint la théorie de Kevin Kelly, comme quoi, pour vivre de sa création, il faut à un artiste 1 000 Vrais Fans, le Vrai Fan étant défini comme quelqu’un qui achète systématiquement tout ce que vous produisez. (à lire aussi).

Donc, financièrement, on oublie ; pour 99,99… % des gens, Flattr ne remboursera jamais le temps passé à créer des « things » sur Flattr — ni même à installer Flattr. Tant que la contribution se décide sur une base volontaire, les sommes mises en œuvre ne peuvent qu’être dérisoires (à part peut-être pour Peter Sunde et ses copains, dans le rôle de la banque centrale). Parions toutefois que le système fera émerger trois ou quatre stars dont tout le monde parlera avec envie. Sur son blog, Flattr évoque de « nombreux utilisateurs » qui ont déjà perçu 100 € et des « centaines » qui ont touché une « certaine somme » (sachant que 10€ est le minimum pour percevoir des dons) mais, convenons-un, les chiffres avancés restent modestes.

On est loin de la contribution créative théorisée par Philippe Aigrain. Cette contribution qui, en étant obligatoire, lèverait immédiatement beaucoup d’argent (« de 1,2 à 1,7 milliard d’euros par an »), permettrait de remplir (un peu) les poches de (beaucoup) d’artistes et de créateurs, plutôt que de faire rouler des euros dans la besace des fournisseurs d’accès ou des sociétés de flicage, comme le font Hadopi et son pare-feu Open-Office.

Autre critique, plus idéologique : le système alimente les kurbettes, c’est-à-dire une déférence devant la créativité, en reposant sur le mythe de l’Auteur seul face à son œuvre. Un mythe nuisible dans bien des secteurs de la créativité où il n’a tout simplement pas de sens, comme par exemple dans le logiciel libre — mais pas seulement. Les deux auteurs de cet article ne sont d’ailleurs pas entièrement d’accord sur ce point (c’est la beauté des textes écrits à quatre mains). Car tout dépend du champ de la création. Parfois exercice solitaire, parfois fusion commune des esprits, etc. Mais le propos, ici, est bien celui-ci : comment fait-on pour s’en sortir un peu à l’heure du numérique, où chacun perçoit que les notions d’auteur, de diffuseur, d’éditeur, et même le travail des marchands a basculé.

Quoi qu’on en pense, Flattr peut être amusant. Si on le considère non pas comme une source de revenus (dans tes rêves), mais comme une nouvelle expérience de monnaie alternative, à l’image du whuffie de Cory Doctorow. Quand on est content d’avoir lu un truc ou écouté un machin, on envoit un feedback ; ça existait déjà sous la forme d’un commentaire sur le forum, ou d’un « j’aime » ; on peut maintenant soutenir pécunièrement avec une flattrie. Le compte de la personne flattrée s’enrichit de quelques centimes, qu’elle utilisera à son tour pour flattrer d’autres personnes. Le whuffie circule ainsi, interactivité à deux balles comme les « poke » de Facebook ou les « kudos » de feu Ohloh, mais interactivité tout de même.

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Billet originellement publié sur le blog de Davduf sous le titre “Flattr-ies et Kurbettes“.

Crédit Photo CC Flickr : Samfoxphotography.

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Le crowdfunding produit un “effet Obama” dans le journalisme http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/ http://owni.fr/2010/08/11/le-crowdfunding-produit-un-effet-obama-dans-le-journalisme/#comments Wed, 11 Aug 2010 16:35:42 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=23843

Tanja Aitamurto est une journaliste spécialisée dans l’intelligence collective -sa thèse porte sur ce sujet- le crowdfunding et le crowdsourcing dans le journalisme. D’origine finlandaise, elle est maintenant basée dans la Silicon Valley et contribue principalement au Huffington Post et au Helsingin Sanomat, le principal quotidien en Finlande. Pour OWNI, elle revient sur le développement du crowdfunding, qui concerne le journalisme mais aussi les industries créatives en général.

Le monde du journalisme semble découvrir le crowdfunding, mais est-ce vraiment si neuf ?

Le crowdfunding est un mécanisme de financement qui existe depuis un certain temps. Le premier effort bien connu dans ce sens a eu lieu en 2003, quand le reporter américain Chris Albritton a réuni assez de dons de lecteurs pour faire un reportage en Irak dans le cadre de son initiative “Retour en Irak“.

Cependant, le crowdfunding est devenu de plus en plus populaire dans le journalisme, pour beaucoup grâce à des plates-formes de crowdfunding à succès comme KickStarter et Spot.Us. Par exemple, rien que sur Spot.Us, plus de soixante sujets ont été financés et plus de 100.000 dollars ont été donnés à des pitches.

Ces derniers temps, il y a aussi eu des expériences de crowdfunding rétrospectif. Par exemple, Paige Williams, une journaliste américaine récompensée pour son travail, a financé son article sur Dolly Freed en réunissant des dons après la publication sur son site.

D’autres formes de mécanisme de crowdfunding comme Flattr et Kachingle gagnent du terrain. On appelle maintenant ces modèles des “paiements sociaux” (social payment, ndlr).

Une des raisons de l’évolution du crowdfunding, c’est le développement rapide des outils du web 2.0, et la pénétration de l’Internet. Ces outils facilitent l’utilisation du crowdfunding dans le cadre du journalisme. En outre, ces modèles traditionnels de revenus deviennent de plus en plus inefficaces, et il faut trouver des alternatives. C’est là où le crowdfunding devient utile.

Diriez-vous que l’émergence actuelle du crowdfunding est un effet positif de la crise des médias ?

Oui, c’est un mouvement positif par deux aspects : d’abord, le crowdfunding a prouvé qu’il fonctionnait comme modèle de financement pour une certaine forme de journalisme, comme le reportage d’investigation et les sujets civiques.

Les nouvelles sources de revenu comme le crowdfunding pour les journalistes sont nécessaires alors que le journalisme entre dans l’ère post-conglomérat. Cela signifie que les grandes entreprises de médias emploient moins de journalistes, mais les journalistes travaillent plus souvent comme freelance ou journaliste-entrepreneur. Par conséquent, ces derniers ont besoin de nouvelles façons d’obtenir des fonds pour leur travail.

Second point, il est très important d’expérimenter de nouveaux business models. C’est la seule façon de trouver ce qui marche vraiment, étant donné que les anciens modèles ne marchent plus si bien.

Est-ce que cette réflexion est spécifique aux pays occidentaux ? Pour quelles raisons ? La crise des médias ?

Les plates-formes et les mécanismes de crowfunding semblent se développer dans les pays occidentaux, probablement en raison du développement parallèle d’autres phénomènes d’interaction à doubles sens, comme le crowdsourcing, le mouvement de l’open data, etc., qui donnent plus de pouvoir aux gens.
Un autre facteur, c’est que les entreprises de média cherchent de nouvelles sources de revenus comme elles ne vont pas si bien financièrement et nous voyons beaucoup d’expériences dans ce sens pour en trouver.
Le troisième élément, c’est que le capital-risque est plus développé dans les pays occidentaux et peut financer des start-ups dans ce domaine, ainsi que d’autres mécanismes de financement comme le Knight News Challenge concours et autres prix.
Cependant, il y a aussi eu d’autres actions dans ce domaine en dehors des pays occidentaux. Par exemple le site de journalisme citoyen OhMyNews, qui vient de fermer sa version internationale, a essayé de collecter des dons de lecteurs sous la forme de licences de membre.

Pensez-vous que le crowdfunding va devenir de plus en plus important dans le financement des reportages ? Du travail créatif en général ?

Oui, absolument, le crowfunding a démontré son efficacité comme mécanisme de financement pour certains types de journalisme. Avec l’aide de plates-formes de crowdfunding comme Spot.Us, Kickstarter et SellaBand, cette méthode devient de plus en plus commune comme source de financement de projets journalistiques et artistiques. Ces plates-formes fournissent une grande opportunité de soutenir des projets particuliers que les gens apprécient au lieu de payer pour l’abonnement complet à un journal qu’ils ne lisent la plupart du temps que partiellement.

De plus, ces plates-formes offrent habituellement la transparence qui manque dans les organisations traditionnelles, comme les entreprises de médias et les rédactions. La transparence accrue offerte par les plates-formes de crowdfunding est importante pour les donateurs, ils peuvent suivre l’utilisation de leur argent.

Maintenant la question, c’est l’ajustement de ces mécanismes. Le grand changement dans les business models du journalisme, c’est qu’il n’y aura plus une ou deux sources de revenus comme c’était le cas jusqu’à présent (publicité et abonnements). Les revenus vont venir de sources multiples et différentes en fonction de la publication et de sa niche. Les dons peuvent en faire partie, selon le cas.

Qu’est-ce qui fait qu’un système de crowdfunding aura du succès ?

Actuellement, il existe deux façons d’approcher le paiement volontaire : soit la somme est fixée, ou le lecteur peut donner autant qu’il le désire. Par exemple dans le domaine du paiement social, Kachingle laisse les gens payer seulement 5 dollars par mois pour tous les sites qu’ils visitent, alors que sur Flattr vous pouvez déterminer la somme vous-mêmes.
L’argument de Kachingle c’est que quand la somme est fixée, le coût de la transaction mentale sera plus petite pour le donateur – ce qui signifie que c’est facile de donner quand vous n’avez pas besoin de réfléchir au montant du don.
Flattr donne aux utilisateurs plus de liberté, de même Spot.Us, le système indique au donateur une suggestion de don, mais ce dernier peut changer la somme. Ces deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients mais les différences sont minimes. Du point de vue des donateurs, c’est important d’avoir une expérience utilisateur intégrée avec le système de micropaiement. De plus, c’est important de donner aux donateurs des outils pour construire leur identité par leur don. Personnellement, je pense que le mieux c’est de fournir au donateur une suggestion du montant, mais aussi la liberté de le changer.
Je ne vois pas forcément une plate-forme l’emporter sur les autres, elles peuvent co-exister, s’il y a assez d’utilisateurs. Des systèmes de paiements sociaux, celui qui aura le plus de succès sera celui qui sera utilisé par le plus grand nombre de blogueurs importants, et des publications établies.

Vous soulignez que les systèmes de crowdfunding reposent sur l’intelligence collective, êtes-vous optimiste ?

Le cœur de l’intelligence collective peut être défini ainsi : la connaissance est plus juste quand elle est issue de contributions provenant d’une population répartie. Au lieu de compter sur un seul agent, la connaissance est à son meilleur quand une foule variée est conviée au processus de co-création. Le crowdsourcing et le crowdfunding sont des manifestations de l’intelligence collective.

Dans un modèle journalistique crowdfundé où on peut choisir un pitch auquel donner – comme sur Spot.Us-, le donateur a en fait le pouvoir de choisir quels types de sujets seront écrits. Il y a un parallèle entre le don et le vote : en donnant pour le pitch d’un sujet, le donateur vote pour un sujet qu’il souhaite voir publié. Dans un modèle journalistique crowdfundé, le pouvoir éditorial devient donc décentralisé. Les gens ont leur mot à dire sur les sujets qu’ils veulent lire, à la place des rédactions.

Ce changement radical mène effectivement à une autre question inévitable : est-ce que certains sujets resteront privés de couverture, sans publicité, si les lecteurs peuvent choisir ce qu’ils souhaitent lire ? Par exemple, un article sur telle minorité n’obtiendra peut-être pas assez de dons.

Je ne considère pas cela comme un problème, car les modèles crowdfundés sont encore marginaux. Je ne pense pas non plus que cela deviendra un problème car le crowdfunding restera une source de revenus parmi d’autres.

Est-ce que les écoles de journalisme préparent assez leurs étudiants à se voir eux-mêmes en termes commerciaux ? Est-ce que ce sera plus facile pour la nouvelle génération de journalistes d’embrasser ce modèle, en raison des difficultés qu’elle a déjà connues ?

Les écoles de journalisme traditionnelles n’ont pas préparé les étudiants au changement que nous sommes en train de vivre dans l’industrie du journalisme. Les business models et la réflexion entrepreneuriale n’ont pas été assez mis en avant dans le curriculum, quand ces sujets n’ont pas carrément été oubliés.

Nous entrons dans l’ère post-conglomérat du journalisme, comme je l’ai dit plus haut. Le journalisme entrepreneurial nécessite des compétences complètement nouvelles pour les journalistes quand ils sont diplômés de leur école.

Maintenant, l’état d’esprit dans les écoles de journalisme change, et les écoles enseignent de plus en plus ces connaissances, du moins aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Vous dites que “des changements similaires se passant dans les industries créatives, alors que les marques et les institutions comme les labels et les institutions médiatiques perdent du pouvoir.” Serait-il opportun qu’ils partagent ensemble sur ce sujet ?

Oui, tout à fait. Ces changements que nous observons dans le journalisme ont aussi lieu dans d’autres champs de la société : dans les domaines de l’éducation, de la connaissance, de la santé, du leadership, des entreprises, et les vieilles institutions du business se défont. Ces vieilles structures ne sont pas adaptées à ce nouvel âge qui requiert de la transparence et des interactions dans les deux sens.

Vous avez expliqué qu’il se passe dans le journalisme un “effet Obama”. Pourriez-vous résumer votre analyse ?

J’ai écrit sur le Huffington Post que “l’effet Obama” a lieu dans le journalisme, comme le pouvoir éditorial est en train de se décentraliser et que les gens peuvent de plus en plus avoir un impact sur les articles qui sont écrits, par exemple à travers les plates-formes de crowdfunding. Elles permettent aux gens de donner de petites sommes pour soutenir le journalisme qu’ils préfèrent et donc, une foule de donateurs peut avoir un impact. Exactement de la même façon que la foule a aidé Obama à réussir dans sa campagne par de petits dons. Le succès du crowdfunding est une autre preuve que les petites actions comptent.

Petites sommes deviendront grandes.

Vous avez noté que les donateurs ne participent pas beaucoup. À quoi cela tient-il ? Est-ce une lacune que les systèmes de crowdfunding devraient combler ?

Il est très intéressant que les donateurs dans les modèles de journalisme crowdfundé ne soient pas plus intéressés par la co-création. En principe, ils devraient participer plus, mais dans les faits, ils ne le font pas. Ils semblent estimer que c’est assez participer que de donner de l’argent pour un pitch. Ils ne contribuent pas beaucoup via les autres façons offertes, comme donner des tuyaux ou commenter.

Il y a plusieurs raisons à ce type de comportement. Le premier, c’est que les donateurs considèrent que le journaliste est l’expert sur le sujet et que les donateurs n’ont pas tant de connaissances que cela, pas assez pour les partager. Second aspect, les moyens de participer ne sont peut-être pas assez sophistiqués. En se basant sur les expériences de projets crowdsourcés dans le journalisme, plus la tâche est étroite et sophistiquée, plus il est probable que la foule participe.

Pensez-vous que les systèmes de micro-financement embeddable comme Flattr devrait et pourrait être utilisés par les médias traditionnels ?

Complètement, en fait, Flattr et son rival américain Kachingle sont appelés maintenant des “paiements sociaux”. Les lecteurs ont besoin d’avoir le choix sur le moyen dont ils payent pour le journalisme qu’ils aiment. Ils ont en particulier besoin du choix de soutenir certains auteurs et un certaines formes de journalisme, au lieu de payer pour toute la publication ou article, comme c’est le cas dans le modèle de revenu traditionnel.

Une question large pour conclure : pensez-vous, comme Andreas Kluth, qu’il n’y a pas de crise des médias ?

Non, le journalisme n’est pas en crise. Certaines entreprises de médias sont en crise car elle manque d’innovation et ont fait des investissements inconsidérés et autres décisions financières. Cependant, la débâcle financière de certaines entreprises de médias mène à la crise beaucoup de journalistes qui sont licenciés, une solution d’urgence pour sortir la tête de l’eau.

Le journalisme fait mieux que jamais, à plusieurs égards. L’audience est plus importante que jamais, par exemple le New York Times n’a jamais autant de lecteurs grâce à Internet. La liberté d’expression est plus forte que jamais car presque n’importe qui peut publier, en ligne, sans de lourds investissements dans des imprimeries et des bureaux. Le journalisme devient universel, dépassant les frontières, comme nous le voyons avec des plates-formes comme WikiLeaks.

Le journalisme fait mieux que jamais grâce à toutes les innovations qui émergent : nouveaux modèles de production de contenus, les lecteurs ne sont plus seulement des lecteurs mais participent au journalisme de co-création, expériences dans les modèles de revenus, c’est un nouvel âge d’or pour le journalisme.

La société a besoin du journalisme, c’est pourquoi il y aura toujours des façons de la financer aussi. Elles diffèrent peut-être de celles qui ont été utilisées depuis Gutenberg et sa presse imprimée mais cela ne signifie pas qu’elles soint pires. Ni que le journalisme soit en crise.

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De Tanja Aitamurto :

Spot.us ou l’impact du crowdfunding sur le journalisme et Les journalistes travaillent en public pour le public, deux articles publiés sur PBS MediaShift traduits par la soucoupe ; The Obama-Effect in Journalism: Decentralized Editorial Power

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De Davduf et Fil : Flattr, vers un nouveau modèle économique ?

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