OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Uranium appauvri http://owni.fr/2012/03/07/nucleaire-deficitaire/ http://owni.fr/2012/03/07/nucleaire-deficitaire/#comments Wed, 07 Mar 2012 15:29:11 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=101007
Dans un rapport de 118 pages remis par la Commission des finances de l’Assemblée nationale ce mercredi, deux députés rendent leur avis sur l’état financier des majors du nucléaire français, Areva et EDF. Avec en ligne de mire, la mauvaise gestion des différents acteurs, État compris. Qu’ils épinglent.

Après des comptes-rendus publiés en octobre dernier, les deux députés Marc Goua (PS) et Camille de Rocca Serra (UMP) en remettent donc une couche sur la gestion bancale d’EDF et d’Areva et leur manque de transparence. Deux entreprises orchestrés par un état actionnaire majoritaire mais quasi-mutique.

L’information ne filtre pas

Sur l’affaire de l’acquisition désastreuse de la société UraMin par Areva, les députés apportent quelques révélations. En particulier, ils expliquent qu’EDF, client d’Areva, avait également été intéressé par cet achat, mais avait décliné l’offre en raison des informations obtenues par les dirigeants d’EDF. Ainsi, alors que l’État est actionnaire dans les deux groupes, dans un cas (EDF) il évite une catastrophe financière, dans l’autre cas, il la laisse se dérouler (Areva).

Pire, selon le député Marc Goua, c’est par l’entremise de la banque d’affaires Goldman Sacchs, par ailleurs actionnaire minoritaire d’UraMin , que le groupe EDF est informé de la santé précaire de cette entreprise.

Mais l’information ne filtre pas, en raison des rivalités entre les géants du nucléaire français. Pour les députés, EDF avait des informations que ni l’Agence des participations de l’État (APE) – représentant l’État au sein des conseils d’administration – ni Areva n’avaient en main. Sans se focaliser sur la responsabilité de l’APE, Camille de Rocca Serra le martèle :

On le voit à travers la réponse d’EDF, il n’y a pas de transmission de l’information, l’APE n’a pas toutes les informations et les bonnes informations. […] C’est un problème de gouvernance, un problème entre Areva et l’APE et un problème entre EDF et Areva.

L’habile communication des dirigeants de la société avant rachat, le désengagement d’un fond chinois – qui devait prendre part au capital à hauteur de 49% dans UraMin, information non vérifiée par l’APE selon les deux députés – , la réactivité limitée d’Areva, le manque de vigilance de l’APE et l’absence de communication, tout autant de facteurs qui ont joué en défaveur des acheteurs. Malgré ce constat, Camille de Rocca Serra se voulait rassurant aujourd’hui lors de la présentation de ce rapport, quant aux relations nouées entre EDF et Areva :

Nos deux champions ont amélioré leur partenariat. Les relations entre les deux entreprises se sont nettement améliorées.

Focus sur Areva

Le document déposé ce matin vient conclure des mois d’enquête et d’auditions. Si les premières investigations, débutées en juin 2011, les avaient menés devant une porte close à l’Agence de participation de l’État (APE), pendant la seconde phase d’auditions, les fonctionnaires ont été obligés d’ouvrir leurs cartons aux parlementaires mandatés par Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances de l’Assemblée.

Le rapport qui punit Areva

Le rapport qui punit Areva

Opacité. Acquisition désastreuse. Comptabilité mystérieuse. Le rapporteur de la Commission des finances a remis hier soir ...

À la demande de ce dernier, les deux députés avaient déjà fait part de leurs craintes sur les finances d’Areva, dans une première synthèse datée du 12 octobre 2011. Ils avaient auditionné pendant quelques mois les principaux responsables des instances décisionnaires des acquisitions, ventes et finances des deux entreprises, Anne Lauvergeon et Luc Oursel compris.

Le rapport d’étape, dévoilé par OWNI (voir ci-contre) pointait déjà du doigt les finances désastreuses d’Areva, conséquences de deux opérations pour le moins malheureuses. Ladite acquisition d’UraMin en 2007 – qualifiée a posteriori de “beau succès pour l’entreprise” par l’APE – et les retards de l’EPR finlandais, d’un cout initial de 3 milliards d’euros et pour un surcout total de 6 milliards. Le rapport s’étonnait de la quasi absence des responsables de l’APE, pourtant garant étatique de la sécurité des opérations financières des entreprises dans lesquels l’État est actionnaire majoritaire.

Depuis, l’acquisition d’UraMin a suscité bon nombre de réactions et déballages dans les médias, espionnage d’Anne Lauvergeon à la clef. L’EPR finlandais reste toujours en retard et les provisions coutent aussi cher que l’acquisition de la petite société minière UraMin.

Ce fiasco imputé à l’ancienne présidente d’Areva, le retard de l’EPR, lui, l’est à Luc Oursel, l’actuel président, les deux se sont longuement querellés par médias interposés et devant les tribunaux. Tribunal de commerce pour le gel des indemnités d’Anne Lauvergeon, suspendues à la remise d’un audit interne sur l’acquisition d’UraMin. Et Tribunal de grande instance pour les différentes affaires d’espionnage de l’ancienne présidente du groupe.

Areva, après avoir enregistré une perte de 2,4 milliards d’euros pour l’année 2011, cherche à vendre ses parts dans Eramet, décision prise en juin 2009 lors d’un conseil de surveillance, au Fonds stratégique d’investissement. Malgré un besoin de cash et les excellents résultats du FSI l’an dernier, ce dernier a décidé d’octroyer à Areva 500 millions en liquide sur les 776 millions des parts d’Areva dans Eramet et le reste en action chez … Danone et Air Liquide. Pas de quoi voir venir les milliards manquants.


Illustration et couverture par Marion Boucharlat pour Owni /-)

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Après la taxe Google, la taxe CNC? http://owni.fr/2011/06/13/apres-la-taxe-google-la-taxe-cnc/ http://owni.fr/2011/06/13/apres-la-taxe-google-la-taxe-cnc/#comments Mon, 13 Jun 2011 13:28:26 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=67585 Dans la nuit de samedi à dimanche, le gouvernement a essayé en vain de faire passer à l’Assemblée nationale un amendement [pdf] au code du cinéma et de l’image animée dans le cadre du projet de loi de finance rectificatif visant à taxer les FAI pour financer le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée). Placé sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication, cet établissement public est chargé de soutenir la production cinématographique française.

Présenté par François Baroin, le ministre du Budget, cet amendement 1577 a finalement été repoussé après des interventions venues des rangs mêmes de la majorité : le rapporteur général de la commission des finances Gilles Carrez (UMP), d’Olivier Carré (UMP) et de Jérôme Cahuzac, le président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale et de Charles de Courson (NC) sont ainsi montés au créneau. (lire l’intégralité des échanges ou les voir sur Dailymotion)

Actuellement, le CNC est financé entre autres par la TST, taxe payée par les éditeurs et les distributeurs de services de télévision. L’amendement visait à faire rentrer dans le champs des distributeurs les FAI  :

Est également regardée comme distributeur de services de télévision, redevable de la taxe mentionnée au présent article, toute personne proposant un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services est nécessaire pour recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision.

L’amendement visait aussi à redéfinir l’assiette de la taxe : « La taxe sera désormais calculée en appliquant un barème simplifié de quatre tranches, au-delà de la franchise de 10 M€, sur l’ensemble du chiffre d’affaires issu des abonnements et autres sommes acquittés pour accéder à des services de télévision. » Dans le détail des tranches :

1,25 % pour la fraction supérieure à 10 000 000 euros et inférieure ou égale à 250 000 000 euros ;
2,25 % pour la fraction supérieure à 250 000 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 000 euros ;
2,75 % pour la fraction supérieure à 500 000 000 euros et inférieure ou égale à 750 000 000 euros ;
3,25 % pour la fraction supérieure à 750 000 000 euros.

La mesure, qui ne semble pas incohérente vu la croissance de la consommation de la télévision sur Internet, en contournant la redevance, soulève des critiques. L’argument de la précipitation et le précédent de l’augmentation hasardeuse de la TVA de 5,5% à 19,6% sur les abonnements triple play a ainsi été avancé pour justifier un rejet. Gilles Carrez :

La commission n’a pas examiné cet amendement que nous découvrons à l’instant. C’est un sujet extrêmement complexe. Une seule chose me donne satisfaction : lorsque j’ai eu à rapporter, à l’automne dernier, le dispositif qui basculait de 5,5 % à 19,6 % la TVA sur la partie non services de télévision des offres multi-play, j’avais mis en garde – cela figure au compte rendu – sur le fait que nous aurions inévitablement des optimisations.
C’est ce qui se passe : certains opérateurs ont compris et minorent, au sein de l’offre multi-play, la partie offre de télévision.

Une mesure qui aura pour effet, a noté Jérôme Cahuzac, d’« aboutir à un financement, notamment du CNC, qui sera excessivement réduit par rapport à ce qu’il est aujourd’hui, étant entendu qu’aujourd’hui le CNC est plutôt en surfinancement qu’en sous-financement. [...] Mais la compensation serait excessive si nous laissions les opérateurs profiter de la faille législative qu’a introduite la loi de finances par la réduction de cette niche [la taxe COSIP, le compte de soutien à l’industrie des programmes]. »

Charles de Courson (NC) posait également la question de la légalité de la taxe :

Sur le fond, je m’interroge sur l’euro-compatibilité de la mesure proposée. Je me tue à le dire depuis des années, chaque fois qu’on crée une taxe ad valorem, elle est euro-incompatible, contraire à la directive TVA. Quand le Gouvernement a créé la taxe poissons, on m’a expliqué qu’il n’y avait pas de problème. Et, aujourd’hui, on va être obligé de la supprimer.

La question de fond du financement de la culture

En guise de commentaire, Edouard Barreiros, responsable du numérique à l’UFC-Que choisir, contacté par OWNI, commence d’abord par rire : « C’est très drôle. C’est toujours la même chose, on va chercher dans les poches des FAI pour financer la culture, c’est intolérable. »

D’abord ce sont des moyens détournés de financement ; ensuite, cela se répercute sur les consommateurs. Il y a des taxes partout sur la culture mais le consommateur paye déjà beaucoup pour elle, sans y avoir toujours accès, alors que de l’autre côté, on nous tape dessus avec Hadopi et on nous refuse la licence globale.
On fait voter des lois au nom des artistes et de la culture mais au final ce sont les entreprises qui se font de l’argent. Le CNC finance aussi des blockbusters, il faudrait s’assurer qu’il y ait un retour pour les artistes.

Pour l’UFC, cet amendement n’est donc qu’une illustration supplémentaire de la question du financement de la culture. L’association souhaiterait s’y attaquer de fond et de front en commençant par un audit.

Sur le vif, Laure de la Raudière (UMP), spécialisée sur le numérique, avait qualifié de « scandaleux » ce procédé-express. Contactée par OWNI, elle renchérit, soulignant l’attitude paradoxale du gouvernement : « D’un côté, on pousse les opérateurs à investir dans le très haut débit, par exemple la semaine dernière un programme d’investissement important a été dévoilé par Orange, et là on demande une nouvelle taxe, ce n’est pas sérieux. »

Prévu pour entrer en vigueur le 1er janvier 2012, l’amendement tombera-t-il aux oubliettes ? Apparemment, le gouvernement entendait bien faire le forcing, comme en témoigne la conclusion de François Baroin :

La difficulté est que je ne pourrai pas déposer, au nom du Gouvernement, d’amendement au Sénat. Donc il nous faudra peut-être, dans l’intervalle, trouver avec le rapporteur général, M. Marini, le moyen que ce soit porté par la commission des finances, ce qui, d’une certaine manière, donne un peu plus de fluidité au dispositif.

Image CC Flickr NoncommercialShare Alike Far0_RC1

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D’où vient l’argent de WikiLeaks? http://owni.fr/2011/05/01/dou-vient-largent-de-wikileaks/ http://owni.fr/2011/05/01/dou-vient-largent-de-wikileaks/#comments Sun, 01 May 2011 10:00:26 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=60312 Annoncé depuis des semaines, pour ne pas dire des mois, le fameux rapport financier (PDF, en) sur les finances de WikiLeaks en 2010 vient de sortir. Fourni par la Wau Holland Foundation, la structure allemande proche du Chaos Computer Club qui permet à l’organisation d’Assange de lever des fonds, il quantifie les dons et fournit les premières pistes d’analyse.

Ironiquement intitulé “Enduring Freedom of Information” (en référence à la fameuse opération militaire américaine en Afghanistan), le document de six pages met d’abord en lumière un premier chiffre saillant, celui des recettes: WikiLeaks a recueilli plus d’1,3 millions d’euros de dons l’année dernière, équitablement répartis entre les versements bancaires et les “cotisations” via Paypal.

On est bien loin du fundraising industriel de Barack Obama lors de la dernière campagne présidentielle américaine (il avait amassé 750 millions de dollars), mais assez proche des dons faits aux ONG de premier plan: en 2009, Médecins Sans Frontières a encaissé 3,3 millions d’euros de dons (PDF). Pourtant, WikiLeaks est une organisation beaucoup plus volatile, sans adhérents officiels. Conséquence directe de cette agilité, le site n’a utilisé que 30% (400 000 euros) de cette manne pour ses frais de fonctionnement.

Le compteur du fundraising (en millions d'euros)

La raison? Pas de locaux, une équipe réduite, et une communication “commando” orchestrée de façon virale. En elles-mêmes, les quatre “opérations” menées en 2010 ont coûté 140 000 euros, un prix assez dérisoire au regard de leur prééminence dans l’agenda médiatique. Seul regret: l’absence de détails au chapitre “rémunérations”. On apprend que WikiLeaks a payé 104 000 euros à ses “salariés”, sans que leur nombre soit précisé. “Seuls quelques chefs de projet et activistes ont été rémunérés régulièrement sur la base de factures”, peut-on lire dans un jargon d’autoentrepreneur.

Autre point très brièvement évoqué, celui qui concerne le volet judiciaire. Le site concède 33 000 euros en “conseil légal”, tout en précisant que ce chiffre (au demeurant assez faible quand on connaît la propension de WikiLeaks à utiliser ce levier pour recueillir de nouveaux dons) ne recouvre pas les affaires individuelles. En d’autres termes, l’affaire de mœurs dans laquelle est impliqué Julian Assange n’entre pas dans le budget de l’organisation.

Le poids de “Collateral Murder”

Alors qu’un grand jury américain pourrait finalement constituer un dossier afin de poursuivre l’organisation pour infraction à l’Espionage Act de 1917, ce premier bilan comptable vient éclairer deux tendances lourdes.

La première, c’est le poids de la vidéo Collateral Murder, qui montrait la bavure d’un hélicoptère Apache en Irak. Publiée en avril 2010, ce fait d’armes a apporté une notoriété mondiale à WikiLeaks, qui se traduit dans les dons. Ces quelques minutes postées sur YouTube ont rapporté près de 300 000 euros à l’organisation, 6 fois plus que les dizaines de milliers de Warlogs afghans et 8 fois plus que les rapports de situation irakiens. In fine, seul le Cablegate et le feuilleton médiatique de ses mémos diplomatiques sur plusieurs semaines a permis de lever davantage de fonds, environ 500 000 euros.

Moralité de cet échelonnement, les initiatives qui permettent de souder la communauté des sympathisants ont moins à voir avec la quantité de documents qu’avec leur mode de diffusion et les retombées médiatiques dont elles bénéficient. C’est au mois d’avril et au mois de décembre que WikiLeaks a reçu le plus de dons via Paypal (les virements bancaires ne sont pas aussi détaillés), ce qui prouve que leurs soutiens ne donnent pas forcément plus d’argent, mais sont plus nombreux à mettre la main à la poche.

Il faut toutefois se méfier de la déformation indue par ces deux pics. Si la moyenne mensuelle des dons est de 110 000 euros, la médiane est deux fois plus faible, 59 000 euros. Même constat sur le nombre de versements mensuels, puisque la moyenne est de 2146 quand la médiane se situe légèrement sous le seuil des 1500 (1468).

Culture de la transparence

Outre le montant des contributions financières, le rapport de la Wau Holland détaille leur origine géographique, qui met en exergue un véritable enseignement culturel. Ainsi, 61,3% (près de 390 000 euros) des dons viennent de pays à forte culture protestante (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne), où la notion de secret et le rapport à la transparence des institutions sont beaucoup plus prégnants que dans les pays catholiques. Comme l’énonçait notre journaliste Guillaume Dasquié dans un de nos innombrables fils de discussion:

[Le protestantisme] n’entretient pas les mêmes relations avec le caractère secret des affaires publiques, et se montre plus intransigeant dans les rapports entre citoyens et décideurs publics.

A eux seuls, les Etats-Unis – qui sont probablement le premier lieu de débats enflammés autour de WikiLeaks – représentent 34,6% de l’enveloppe globale. Rien d’étonnant dans un pays où le concept d’accountability (littéralement la responsabilité, mais plus généralement l’éthique de la gouvernance) est si forte qu’une administration lui est dédiée: le Government Accountability Office, qui se présente lui-même comme “le chien de garde du Congrès”. Même si son rôle est purement consultatif (j’ai le souvenir d’une rencontre à Washington D.C. avec un fonctionnaire spécialiste de la défense un peu désabusé), son existence est importante.

Bien sûr, cette ligne de force, la plus signifiante, était préexistante à WikiLeaks. Mais elle devrait constituer un terreau favorable au développement de plate-formes du même genre, ce qui prouverait une chose: l’idée pourra survivre à l’outil.

Billet initialement publié sur le datablog d’Owni sous le titre “WikiLeaks par ses finances”

Retrouvez l’ensemble de notre traitement éditorial sur WikiLeaks à cette adresse: wikileaks.owni.fr


Crédits photo: Wau Holland Foundation, Abode of Chaos

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Le prix de transfert, arnaque légale http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/ http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/#comments Tue, 12 Apr 2011 15:47:34 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=56417 Les comptables seraient-ils devenus les plus grands blanchisseurs de la planète, loin devant les trafiquants en tout genre ? A lire l’analyse du rapport d’audit réalisé sur les mines zambiennes de Mopani, plusieurs méthodes financières appliquées par les actionnaires soulèvent en tous cas des questions sur la qualité de la régulation financière mondiale. Et ses limites.

En résumé, Glencore International AG et First Quantum Minerals Ltd utilisent les techniques comptables suivantes :

  • Surévaluation des coûts d’exploitation : sur la seule année 2007, les auditeurs évaluent à 381 millions de dollars (sur 804 millions) le montant de ce surcoût
  • Sous-évaluation des volumes de production : l’analyse des recettes montre que les mines de Mopani ont un taux d’exploitation de moitié inférieur aux autres exploitants de la région
  • Manipulation des prix de transfert : pour la période 2003-2008, les auditeurs évaluent à 700 millions de dollars la perte comptable affichée dans les bilans de la société, par rapport à un modèle traditionnel d’exploitation

Ces trois techniques ont un objectif unique : faire en sorte de payer le moins d’impôt possible, en jouant sur les variations des règles fiscales internationales. Cela fait maintenant quinze ans que l’OCDE tire la sonnette d’alarme sur les manœuvres effectuées par les multinationales autour de ces fameux prix de transfert. La règle est simple : si ces échanges sont conformes au prix du marché, alors ils sont légaux, s’ils sont sur ou sous-facturés, alors ils sont illégaux. L’OCDE l’appelle le principe de libre-concurrence.

60% du commerce mondial est réalisé intra groupe

Initialement, le prix de transfert est une technique comptable qui permet de facturer, entre filiales d’un même groupe, des marchandises fabriquées dans un pays A et vendues dans un pays B. Elle a pour finalité de calculer la taxation de ces marchandises et de répartir l’impôt pays par pays, en fonction des opérations réalisées sur ces dernières. Exemple :

Une balle (pays A, coût 1 euro, taxé à 30%) – Une balle vendue (pays B, coût 10 euros, taxés à 30%)

Résultat : impôt acquitté dans le pays A + impôt acquitté dans le pays B

Depuis une quinzaine d’années, les groupes internationaux ont pris l’habitude de faire transiter (par un artifice comptable) leurs marchandises par le biais d’un pays tiers, la plupart du temps un paradis fiscal au sens originel, c’est-à-dire où la fiscalité pour les entreprises est proche de zéro. L’intérêt est de pouvoir imputer l’essentiel de la plus-value dans ce territoire fiscalement attractif. Reprenons notre exemple :

Une balle (pays A, coût 1 euro, taxé à 30%) Vendue à 2 euros (pays X, 0% d’impôt sur les sociétés) Revendue à 10 euros (pays B, taxés à 30%)

Résultat : impôt acquitté en pays A + impôt en pays X + impôt en pays B

Sur les dix euros « taxables », 8 vont en réalité échapper à tout impôt, au détriment de l’assiette fiscale des deux autres pays, qui devront se contenter de deux euros « taxables ». Ce phénomène est devenu une tendance lourde du commerce mondial, puisque 60% des échanges réalisés seraient aujourd’hui du commerce intra-groupe, entre filiales.

Des ventes inférieures aux cotations de Londres

Dans le cas de Mopani, le mélange des genres est au cœur des manipulations soupçonnées par les auditeurs. Le consortium appartient très majoritairement (73%) à Glencore International AG, basé dans le fiscalement édénique canton de Zoug en Suisse. Or, ce géant du trading des matières premières (minerais, gaz et pétrole) est aussi le principal acheteur du cuivre extrait par Mopani.

Le « Copper Marketing and Off-take agreement » remonte à 2001. Selon Mopani, il fixe les règles des ventes entre la société et Glencore UK Ltd. Glencore y est reconnu comme le seul agent commercial de Mopani. Le référent de cotation est celui du London Metal Exchang. Or, selon les auditeurs, rien dans la comptabilité de Mopani ne fait apparaître le respect de cet accord.

Pire : un chiffre retient l’attention. Alors qu’en 2004, le cuivre zambien était à 10% exporté vers la Suisse, en 2008, la moitié de sa production (la deuxième mondiale derrière le Chili) aurait pris la direction des alpages helvétiques. Une donnée jugée tout à fait incohérente par l’audit, laissant penser que la Suisse est utilisée comme plaque-tournante des prix de transfert de cette industrie.

CAC 40: 10% d’impôts, PME: 30% !

A bien regarder le montage juridico-financier qui assure aux deux groupes le contrôle des mines zambiennes, il apparaît que l’évasion/optimisation fiscale est au cœur de leur démarche. Rien d’étonnant de la part de Glencore, dont la réputation sulfureuse et le culte du secret l’ont mené plus d’une fois à la barre des tribunaux. Mais cela relève aussi d’un subtil choix technique, car il est beaucoup plus complexe pour une administration de détecter une fraude ayant pour support les prix de transfert. Pascal Saint-Amans, expert fiscal de l’OCDE, le justifiait ainsi l’an dernier au journal Le Monde :

L’abus des prix de transfert est un sujet à haut risque. Ils peuvent aussi servir de levier pour délocaliser de la matière taxable. (…) Les administrations fiscales sont extrêmement attentives et dures lorsqu’elles découvrent des infractions.

Depuis le 1er janvier 2010, le ministère de l’Économie et des finances exige des entreprises qu’elles détaillent leur méthode de calcul des prix de transfert. Une vigilance nécessaire qui permettra peut-être d’expliquer pourquoi les grandes entreprises ont un taux d’impôt effectif sur les bénéfices d’environ 10% , là où les PME s’acquittent d’un taux de 30%. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un bon comptable.


Photo Credits: Flickr CC mtsofan
Posters par Elsa Secco

Image de Une par Elsa Secco @Owni /-)

Retrouvez les autres articles de notre dossier sur Owni.fr et Owni.eu

Cinq ONG accusent Glencore et First Quantum de frauder le Fisc zambien par Federica Cocco [EN : NGOs report mining giants Glencore and Quantum alleging fiscal crime in Zambia]

La nationalisation bâclée des mines zambiennes par David Mwanambuyu

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http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/feed/ 22
Banques éthiques, monnaies libres… et toi, tu fais quoi après la crise ? http://owni.fr/2011/02/11/finances-banques-monnaies-alternatives/ http://owni.fr/2011/02/11/finances-banques-monnaies-alternatives/#comments Fri, 11 Feb 2011 15:17:03 +0000 Claire Berthelemy et Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=46139 Doté de seulement deux banques éthiques, la France paie le prix d’une stratégie de concentration en géants mondiaux, pas très raccord avec les aspirations de moralisation du capitalisme.

5 millions d’euros de fonds propres, plus de 26 000 sociétaires / actionnaires… « D’un point de vue purement réglementaire, nous avons le droit d’être une banque de plein exercice », annonce Marc Favier, responsable du projet de développement et d’innovation de la banque éthique La Nef. Seulement voilà : la Banque de France ne veut pas.

Partie de la loi de 1984, la concentration du secteur bancaire orchestré par la Banque de France a certes livré des mastodontes internationaux au secteur bancaire français, mais la prive aujourd’hui de tout réseau de banque éthique indépendant. Adossé au Crédit coopératif, lui-même membre du groupe Banques populaires-Caisses d’épargne, elle représente la seule alternative aux grands réseaux… bien qu’intégrée à l’un d’eux.

Créé à la même époque que La Nef, des établissements bancaires européens dédiés au financement de l’économie sociale et solidaire, aux projets écologiques ou à l’agriculture durable existent à deux pas : la GLS allemande, créée par des parents d’élèves dans la Ruhr à la fin des années 1960, Triodos en Hollande, la Banca Etica en Italie…

Toutes banques de plein droit là où La Nef ne dispose que d’un agrément bancaire limité, spécifique à la France, qui peut également se targuer d’avoir les critères d’autorisation d’exercice bancaire les plus complexes de l’Union européenne. Mais pas de hasard dans tout cela, juste une stratégie : celle du « big enough to win » (« assez gros pour gagner », ceci n’étant pas une expression officielle), consistant à privilégier les grands réseaux internationaux aux structures mutualistes proches des clients. De quoi couper l’envie d’un Bank Run au plus motivé des Cantona.

Des myriades de banques spécialisées des années 60 aux mastodontes de la finance des années 2000

Avant les années 1980, La Nef n’avait même pas eu besoin d’être une « banque » : constituée en association, la loi lui permettait le droit d’accorder des prêts et crédits à des entreprises ou des initiatives. Ses créateurs, militants de l’éducation alternative, de l’agriculture paysanne et de l’économie sociale et solidaire, se voyaient refuser régulièrement des prêts par les grandes banques pour financer leurs projets. Une liberté d’organisation que la loi du 24 janvier 1984 a fait méthodiquement voler en éclat : dans le but de prévoir la concurrence accrue du secteur (notamment au niveau européen), le Code monétaire et financier qu’elle instaurait mettait fin à la spécialisation des banques et « banalisait » leurs activités. Fini le Crédit maritime et stop aux réseaux réservés aux agriculteurs, la multitude de petits établissements et réseaux mutualistes se regroupent et oeuvrent à leur crédit défendant à la « consolidation du secteur bancaire français », pour reprendre les mots d’un rapport de la Banque de France. Les effets sont fulgurants : de 661 banques coopératives au moment de l’adoption de la loi, il n’en reste plus que 174 dix ans plus tard (voir le graphique ci-dessous).

Extrait du rapport annuel 2007 du CECEI (Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement)

Le monde mutualiste se voit obliger de se doter d’un organe central, la Banque française de Crédit coopératif, « afin d’assurer la solvabilité et les liquidités », précise Claude Sevestre, chargée de communication pour le groupe. Mais ce n’était qu’un premier pas…

Ebranlée par les scandales Enron et Worldcom, la finance mondiale s’organise pour protéger au mieux… les investisseurs ! Aux Etats-Unis, la loi Sarbanes-Oxley met les grands groupes en coupe réglée, exigeant la transparence des comptes que les grands dirigeants certifient personnellement. En France, les actionnaires sont rassurés par la Loi de sécurité financière (ou loi Mer) votée en 2003. Au programme : encore plus de concentration dans les banques pour « assurer les comptes ». « De plus grandes banques, ce sont de plus gros dépôts, de plus gros dépôts, ce sont de plus grosses garanties et de plus grosses garanties, c’est ce que la Banque de France a pour mission d’assurer », résume Marc Favier. L’année de la loi Mer, le réseau Crédit coopératif cesse d’être un réseau indépendant et est fondu dans le réseau Banques populaires avant la formation du groupe BPCE en 2009, devenu depuis deuxième réseau de France.

Dans les murs de la Banque de France, au centre même de cette évolution, l’organisme en charge de certifier les banques, l’Autorité de contrôle prudentiel, est née de la fusion de quatre organisations gérant auparavant chacune de leur côté banques, assurances, mutuelles et organismes de crédits et d’investissements.

La crise des grands condamne les petits

Si le protocole qui lie le Crédit coopératif à BPCE garantit l’autonomie de gestion, l’identité et la marque de la banque coopérative, ce mouvement de concentration a quasiment stérilisé le terreau de toute nouvelle tentative de création de banque. « La question de la création et de l’agrément d’une banque ne se pose pratiquement jamais, constate Laurence Scialom, professeure de Sciences Economiques à Paris X Nanterre. La dernière fois qu’un véritable mouvement de création des banques a eu lieu, c’était à la chute du mur de Berlin, avec les « pockets banks ». » Apparues dans tous les coins de l’ex-Europe de l’Est, ces établissements financiers nés dans la désorganisation de l’époque ont cependant bien vite été capté et racheté comme de parfaits relais pour les géants d’Europe occidentale (notamment allemand, français et autrichien). Sur le papier, l’usine à géant de la finance a fait ses preuves : selon un classement établi par La Tribune, 4 des 17 plus grandes banques en terme de résultat net sur les 9 premiers mois de 2010 étaient françaises.

Et pendant ce temps là, La Nef court l’Europe : depuis 5 ans, la banque éthique française tente de s’allier à l’espagnol Fiare pour profiter de l’agrément bancaire détenu en Italie par Banca Etica. « Grâce à la loi européenne, un organisme financier disposant d’un agrément bancaire d’une banque centrale d’un Etat membre peut implanter des filiales où elle le souhaite ailleurs dans l’UE », précise-t-on à La Nef. Or, en difficultés depuis quelques temps, Banca Etica a repoussé encore le projet sine die.

Or, derrière ces notions de « transparence » et de « prudence » mises en avant par la Banque de France ne se cachent que les exigences des acteurs de la Bourse. Le circuit emprunté par les euros déposés sur un simple compte courant reste aussi opaque au commun des mortels qu’il l’était avant, sauf dans les établissements éthiques. Et tout ce besoin de sécurité n’est né que de la remise en cause de la séparation des métiers des banques entre le prêt, la gestion des comptes et les activités de placement sur les marchés, qui a amené les grands groupes à prendre de plus gros risques devant être assurés avec de plus gros dépôts…

En manque cruel de crédit, les filières d’énergie, d’agriculture ou d’économie alternative ne dispose aujourd’hui de l’aide que de petits acteurs, alors même que les subprimes ont montré qu’en matière d’emploi comme en matière de placement, le secteur coopératif était plus solide. « Cette absence d’agrément est paradoxale car, au final, les banques coopératives ont une bien meilleur visibilité de leurs actionnaires car ce sont aussi ses clients », résume un cadre de La Nef. Mais cette transparence là ne semble pas avoir été promue au rang de règlement du système bancaire français. Une simple question de « moralisation du capitalisme », en somme.

Illustrations Flickr CC Luckyfotostream, @NO4 et Acmolenaar

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La petite musique des fonds d’investissement http://owni.fr/2011/01/20/la-petite-musique-des-fonds-dinvestissement/ http://owni.fr/2011/01/20/la-petite-musique-des-fonds-dinvestissement/#comments Thu, 20 Jan 2011 16:18:19 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=29730 Philippe Astor (@makno), journaliste spécialiste de l’industrie de la musique, a co-fondé le site Electron Libre, publie sur Musique Info et est blogueur sur digitaljukebox.fr.

De plus en plus de fonds d’investissement jètent leur dévolu sur les actifs d’une industrie musicale exsangue après dix ans de crise du disque. Tous les fonds de catalogue prestigieux, qui promettent de se transformer en vaches à lait, suscitent désormais leur convoitise. Mais ils goûtent moins la prise de risque que constitue l’investissement dans la production et le développement de nouveaux talents, ce qui n’est pas très bon signe.

A quelques jours du Midem 2011, ce n’est plus qu’un secret de polichinelle : le second semestre 2010 s’est révélé beaucoup moins bon en terme de ventes de musique que le premier, au point que le SNEP pourrait annoncer, lors de sa conférence de presse annuelle à Cannes, un recul du marché de gros de l’ordre de 4 %. A noter que l’embellie des ventes de gros de fin 2009 et des six premiers mois de 2010 ne s’est jamais traduite par une embellie des ventes de détail.

Dans un contexte économique qui n’est toujours pas reluisant, certains acteurs du marché parviennent cependant à tirer leur épingle du jeu, au point même de susciter l’intérêt d’investisseurs en capital risque. C’est par exemple le cas de X5 Music Group en Suède. Ce n’est pas une start-up de musique en ligne mais un label au profil atypique, qui vient de lever 7 millions d’euros auprès du fonds de capital risque NorthZone Ventures, principal actionnaire de Spotify..

X5 Music Group ne produit pas de phonogrammes et n’investit pas dans le développement de nouveaux talents, mais s’est spécialisé dans l’acquisition de droits “masters” sur des compilations de fond de catalogue qu’il licencie à différentes plateformes de musique en ligne et à des agrégateurs pour les exploiter en ligne.

Des « Early Years » de Roy Orbisson aux « #1 Hits » d’Elvis Presley, en passant par « The Very Best » de Stan Getz, le « 75 Year Anniversary » de Gene Vincent ou « The Complete B » de Billie Hollidays, X5 Music fait son marché dans les vieilleries de fond de catalogue et les compilations de tout acabit : de rock, de jazz, de country, de blues, de classique, etc.

Et ça marche ! Le label se présente ainsi comme le premier partenaire, en Europe, de plateformes de téléchargement comme iTunes ou Amazon MP3, avec quelques 70 millions de ventes en téléchargement au compteur. Avec les fonds levés auprès de NorthZone Ventures, la compagnie s’apprête désormais à pénétrer sur le marché américain, où cet argent lui permettra d’acquérir de nouveaux droits masters, afin de les exploiter sur Interne

Mauvaise pioche

Passons sur la mauvaise pioche du fonds d’investissement britannique Terra Firma, qui a racheté en 2007 la maison de disques EMI (et ses prestigieux catalogues d’édition et de masters), au prix fort, par effet de levier, c’est à dire en s’endettant lourdement au plus mauvais moment, avant que n’éclate la crise des subprimes. Entre temps, EMI a enregistré des résultats plus qu’honorables, mais pas au point de pouvoir faire face aux échéances de sa dette et d’éviter que la banque américaine Citigroup, qui a financé son rachat, ne mette à plus ou moins brève échéance la main sur l’ensemble de ses actifs, avant d’en organiser la vente par appartements.

Or derrière les repreneurs potentiels, supputés ou déclarés, des actifs d’EMI, se cachent d’autres fonds d’investissement, qui semblent décidément très séduits par un marché de la musique pourtant réputé exsangue. Il en va ainsi de ceux (dont l’américain Bain Capital) qui ont financé le rachat de Warner Music à AOL Time Warner aux côtés d’Edgar Bronfman, et qui ont d’ailleurs très vite récupéré leurs billes à l’issue de cette opération, ou encore du fonds KKR (Kohlberg Kravis Roberts & Co), actionnaire de BMG Rights Management à hauteur de 51 % aux côtés du groupe de médias allemand Bertelsmann.

Dans un article publié sur Electronlibre.info, je retrace la génèse de BMG Rights Managemment, structure dédiée à la gestion de droits masters et d’édition dans le secteur de la musique, dont la création et la montée en puissance ces deux dernières années marquent un retour en force de BMG (l’une des cinq majors du disque au début des années 2000, qui avait complètement disparu des radars de l’industrie musicale en 2008) sur le devant de la scène.

Cette nouvelle structure s’est lancée depuis fin 2008 dans une politique d’acquisition tous azimuts de catalogues d’édition prestigieux. Après avoir acquis l’éditeur Crosstown Song America en juillet 2009, BMG Rights Management a entre autre mis la main sur Cherry Lane Music Publishing en mars dernier, l’un des plus gros éditeurs indépendants américains, avant de racheter le célèbre éditeur britannique Chrysalis, au mois de novembre 2010.

En quête de vaches à lait

Les éditeurs de musique, qui représentent les droits des auteurs-compositeurs (partitions et paroles), ont beaucoup moins souffert de la crise du disque que les producteurs de phonogrammes, au point que dans leur globalité, leurs revenus ont légèrement progressé au cours des dix dernières années à l’échelle mondiale, la multiplication des canaux de diffusion (à l’origine d’une augmentation des droits d’exécution publique qu’ils perçoivent) et le développement du placement de musique à l’image (synchro), qui peut être très rémunérateur, ayant compensé la baisse des revenus qu’ils tirent des ventes de disques (droits de reproduction mécanique).

Aussi certains catalogues d’édition constituent-ils de véritables vaches à lait et ont-ils suscité la convoitise ces dernières années. Le secteur a connu une véritable redistribution des cartes, au cours de laquelle Universal Music, en rachetant le catalogue de BMG Music Publishing, s’est hissé à la place de numéro un mondial. Mais cette convoitise s’oriente clairement, désormais, vers les droits sur les masters de fond de catalogue, qui retrouvent une seconde jeunesse sur Internet, en particulier avec le développement du streaming (1).

Ainsi BMG Rights Management se dit-il beaucoup plus intéressé, aujourd’hui, par l’acquisition des droits masters d’EMI que par celle de ses droits d’édition, beaucoup plus chers à acquérir, et beaucoup moins rémunérateurs sur Internet, qu’il s’agisse de streaming ou de téléchargement. S’agissant d’un fond de catalogue prestigieux, qui a toutes les chances de se transformer en vache à lait, cela n’a rien d’étonnant. D’autant que son exploitation ne revêt aucune prise de risque.

Par contre, ni BMG Rights, ni X5 Music, à une moindre échelle, ne manifestent de velléités d’investir dans la production ou le développement de nouveaux talents, ce qui n’est pas très bon signe. D’un industrie essentiellement axée sur la production de nouveautés, appelées à constituer les fonds de catalogue de demain, l’industrie de la musique risque fort de se transformer de plus en plus en machine à exploiter des standards dont la production a déjà été largement amortie et à resservir essentiellement des plats réchauffés.

A moins que ne se crée un cercle vertueux qui verrait les revenus générés par les fonds de catalogue être réinvestis dans la production. Mais il faudrait pour cela que ceux qui mettent aujourd’hui la main sur ces fonds de catalogue, d’édition comme de masters, soit plus animés par l’amour de la musique que par l’appât du gain, ce qui, s’agissant de fonds d’investissement, est loin d’être gagné.

(1) Alors qu’à peine 20 % des titres de musique référencés sur iTunes se vendent, 70 % de ceux qui figurent dans le catalogue de Spotify sont écoutés

Article initialement publié sur Digital Jukebox

Crédits Photos : FlickR CC : Daniel Hedrick; Wiity Name; Domien

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Après l’échec du Bank Run, quatre idées pour s’éloigner des banques http://owni.fr/2010/12/12/apres-lechec-du-bank-run-quatre-idees-pour-seloigner-des-banques/ http://owni.fr/2010/12/12/apres-lechec-du-bank-run-quatre-idees-pour-seloigner-des-banques/#comments Sun, 12 Dec 2010 16:12:17 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=39051 Article publié initialement sur le site OWNIpolitics sous le titre : Quatre alternatives au Bank run de Cantona.

Mardi 7 octobre, même si des centaines ou des milliers de Français avaient été clôturer leur compte ou simplement en retirer le maximum de cash autorisé, les banques n’auraient pas tremblé. Si l’initiative lancée par Eric Cantona a donné l’illusion sympathique qu’il suffisait de s’armer de sa carte bleue pour entamer les fondations du système bancaire, elle n’eu aucun effet, sinon, peut-être celui de priver une poignée d’épargnants de leur capacité à recevoir des virements, ainsi qu’un nombre considérable d’autres désagréments qu’avaient énuméré nos collègues de rue89.

Pire : les « bank runners » qui seront amenés à rouvrir un compte généreront des frais bancaires et des commissions qui bénéficieront à ces mêmes établissements auxquels ils voulaient donner une leçon. Même les queues devant les agences (s’il y en a) n’entameront guère leur image : déjà mises en cause d’un bout à l’autre du spectre politique après la crise, les banques ont le système avec elle et, pour percer ce blindage, il faut d’abord comprendre comment il fonctionne. Heureusement, il existe des failles.

Suite à notre article sur la « révolution Cantona », de nombreux conmmentateurs se sont plaints de ce que, ayant critiqué le principe et son inefficacité, nous n’avions rien proposé pour faire avancer le débat. Derrière ces réactions, un constat résumé par Manu avec clarté :

Il faut appeler bien un chat un chat : les banques mettent à genoux les peuples, et elles sont d’autant plus féroces maintenant qu’elles ont vu le couperet de près il y a peu.

La dépendance vis-à-vis du système bancaire n’est pas une abstraction, il s’agit d’un principe bien concret qui se décline en plusieurs aspects :

  • mobilisation des dépôts pour garantir des crédits et des opérations financières (dont la nature est laissée à discrétion) ;
  • rémunération des divers opérations bancaires (retraits, création de compte, versement, etc.) ;
  • contraintes liées aux divers formes de crédit ;
  • conséquences des spéculations sur les matières premières.

De fait, les banques sont des organisations qui, si elles ont pour vocation de « financer l’économie » (comme le répétait à volonté Christine Lagarde pour justifier les plans de relance), restent des entreprises avec des objectifs de rentabilité, des stratégies et des « techniques ». A ce titre, elles ne sont « au service de leurs clients » que dans la mesure où ces derniers restent solvables : en dehors de la Banque de France (qui n’est pas une banque de détail), ni la BNP, ni la Société générale, ni aucune banque commerciale n’a de mission de service public ! Or, pour chacun de ces aspects de la dépendance aux banques, il existe des solutions (plus ou moins faciles) pour ceux qui souhaitent, faute de forcer le système à se réformer, au moins réduire leurs liens avec leur banque.

Contre le mésusage de vos dépôts, choisir une banque éthique

Une récente étude du cabinet Utopies révélait une statistique impressionnante : pour 1000€ déposés dans l’un des grands réseaux français, une tonne de CO² était produite du fait des placements ! A côté de ces « placements toxiques » au sens propre du terme, la crise des subprimes a révélé que la quasi totalité des banques de détail ayant des activités sur les marchés jonglaient avec de la dynamite pour garantir leur rentabilité.

Or, à côté des grands réseaux existe l’alternative des « banques éthiques », comme le soulignait Petit Poisson dans son commentaire : plus modestes, elles ne misent pas sur des valeurs spéculatives soit par engagement (comme le Crédit coopératif ou la Nef qui n’investissent que dans des prêts à des projets écologiques ou liés à l’économie sociale et solidaire), ou du fait de la loi (la Banque postale a ainsi l’interdiction de placer de l’argent dans des entreprises)… Faisant suite à l’appel de Cantona, le collectif Sauvons les Riches a ainsi lancé avec l’eurodéputé Verts Pascal Canfin l’initiative Je Change de Banque qui, accompagnée d’un site, donne les informations nécessaires pour quitter un grand réseau et rejoindre une banque responsable.

Pour ne plus financer les banques par les frais, opter pour les monnaies libres

En plus des frais de gestion des comptes, le « stockage », comme le retrait par carte bancaire et autres opérations sont l’occasion de frais qui sont crédités aux résultats des banques et utilisés pour garantir leur solvabilité et donc leur capacité à miser sur les marchés financiers. Pour éviter ces frais, certaines associations et villes ont pris le problème à la base en créant leurs propres monnaies !

Cinq billets de monnaies libres (Abeilles et Chimgauer) et un intrus.

Comme rapporté dans l’enquête de Claire Cousin parue dans Le Monde Magazine en date du 4 décembre, la ville de Villeneuve-sur-Lot a adopté une devise alternative : l’abeille, monnaie convertible, utilisable auprès des commerçants et de certaines entreprises et associations de la région. Pour éviter qu’elle soit stockée comme de vulgaires euros, elle perd régulièrement de sa valeur, encourageant ses usagers à l’utiliser. La conversion elle-même est facturée 2%. A ceci près que les frais de change et les « ponctions sur la valeur » sont réinvestis dans des projets sociaux utiles à la collectivité, plutôt que de servir à alimenter l’économie spéculative. Loin d’être utopique, plus de 4000 de ces systèmes ont vu le jour à travers le monde, s’appuyant notamment sur le principe SEL (système d’échange local), lequel ne nécessite pour structure de départ qu’une association de loi 1901 !

Se priver de crédit… ou recréer la « banque du peuple » !

En 2004, un tiers des Français disposaient selon l’Insee d’un crédit immobilier, et tout autant d’un crédit à la consommation. Sur la tranche des 35-44 ans, le taux monte à 50%. En pratique, la « France des propriétaires » que Nicolas Sarkozy appelait de ses voeux, est une « France d’endettés » auprès des grands réseaux. Or, pour éviter cette dépendance, pas de secret : il faut sortir du système de crédit soit en achetant cash, soit en achetant moins. D’un point de vue strictement financier, l’utilisation des transports en commun (évitant l’achat d’une automobile) et la location (contournant la nécessité d’un prêt immobilier) écartent la majeure partie des besoins de crédit. L’étude de l’endettement des ménages de l’Insee prouve ainsi, que du fait des prix de l’habitat trop élevés à l’achat, les Parisiens contractent deux fois moins de prêts immobiliers que les habitants de communes rurales. Quant au taux d’endettement pour l’achat d’un véhicule, il n’est que de 5% contre près de 24% dans les communes rurales !

Une autre solution s’était fait jour au XIXe siècle sous le nom de « banque du peuple » : fondée par le philosophe Pierre-Joseph Proudhon, elle s’appuyait sur l’idée d’une banque « propriété de tous les citoyens qui en accepterait le service », sans intérêt à percevoir pour ses avances, ni commissions… Ses seuls frais se limitant à la gestion, réalisant une utopie formulée en cinq mots par son fondateur : « le crédit était donc gratuit ! » Parti d’un taux d’intérêt à 2%, le projet était de le ramener sous 0,5% le tout sans user de dépôt métallique mais seulement de « bons de consommation »… Un projet qui sombra malgré le ralliement de 13000 personnes, mais qui, en se montrant précurseur des monnaies libres et du microcrédit, n’en demeure pas moins une base de réflexion pour des projets d’organismes financiers « alternatifs ».

Couler une banque d’affaire avec une pièce d’argent : c’est possible !

Depuis maintenant plusieurs mois, la banque d’affaire JP Morgan spécule sur l’argent comme jamais une banque n’a spéculé : ce géant de la finance a acheté sur les marchés des milliers de tonnes du métal précieux… sans avoir eu besoin de signer un seul chèque ! Sur les marchés, c’est ce qu’on appelle une « opération nue », c’est à dire un achat pour lequel on ne paie rien. Malgré cela, JP Morgan détient « virtuellement » une part non négligeable de l’argent en circulation sur les marchés et espère bien en tirer des bénéfices. A moins que le réel ne vienne lui mettre une gifle historique.

Une pièce d'argent pour se payer la faillite du géant JP Morgan.

Combien cela coute-t-il de couler JP Morgan ? Une pièce d’argent, pas plus. La solution, c’est un ancien de Lehmann Brothers, Mike Krieger, qui l’a trouvée : pour forcer la banque d’affaire à payer en dollars sonnants et trébuchants l’argent qu’elle mobilise sans en avoir les moyens, il suffit à un certain nombre de clients (10 millions d’Américains suffiraient, selon les calculs de Krieger) d’acheter une vraie pièce d’argent (un investissement de moins de 50$) pour en faire exploser le cours, obligeant JP Morgan à payer en vrais dollars ses montagnes de titres de propriété ! En sortant ainsi de leur rôle de « mouton de marché » (surnom donné aux actionnaires qui achètent ce qu’on leur dit d’acheter), chaque client dispose ainsi du moyen de retourner le système en forçant la finance virtuelle à payer… pour la finance réelle !

Ce ne sont ici qu’une poignée de solutions pour se saisir individuellement de son petit levier dans la finance. Dans les semaines à venir, OWNIpolitics explorera les idées neuves ou idées perdues qui montrent d’autres façons d’envisager l’argent, le crédit et la valeur en général dans nos sociétés. La suite du débat, c’est à vous de l’écrire.

Photo FlickR CC T.O.M.F. ; Nan’R ; xtof ; mksavage.

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Bataille du livret A : troquer le logement social contre la relance… ou le cash ! http://owni.fr/2010/11/24/bataille-du-livret-a%c2%a0-troquer-le-logement-social-contre-la-relance%e2%80%a6-ou-le-cash%c2%a0/ http://owni.fr/2010/11/24/bataille-du-livret-a%c2%a0-troquer-le-logement-social-contre-la-relance%e2%80%a6-ou-le-cash%c2%a0/#comments Wed, 24 Nov 2010 15:20:17 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=37264

Christine Lagarde a la main sur le levier d’une des plus grosses vannes de l’économie française. Bientôt, elle devra décider de la part des 310 milliards d’euros de l’épargne populaire (livret A, livret développement durable et livret d’épargne populaire) qui se déverseront dans les caisses de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC) et de la part qui reviendra aux grandes banques qui ont gagné le droit de vendre ces produits depuis le 1er janvier 2009. Pour l’instant fixé à 70% pour la CDC et 30% pour les banques, ce taux doit être révisé, selon la loi de modernisation de l’économie, avant la fin 2011.

Derrière cet arbitrage, un choix politique : côté CDC, ces placements ultra populaires servent depuis leur création au financement du logement social, côté banques, ils sont injectés dans l’économie via des prêts finançant les entreprises. Or, au lendemain de la crise, les caisses vides, l’État aurait bien besoin d’un nouveau réservoir pour arroser une économie desséchée…

« Orienter l’épargne des Français vers l’industrie »

Rien de neuf dans la manœuvre : en 2008, déjà aux commandes à Bercy, Christine Lagarde avait largement tapé dans le pactole pour financer les prêts aux banques, financement des PME et autres mesures de relance : 30 milliards d’euros en tout avaient été prélevés en urgence pour faire face à la crise. Entre temps, la manne a grossi : depuis que le livret A peut être souscrit dans n’importe quelle banque, ce sont 20 milliards d’euros qui ont été ajoutés au pactole. Un résultat dont s’est félicitée la ministre de l’Économie lors des questions au gouvernement mercredi 17 novembre…

Or, Michel Bouvard, le député socialiste membre du conseil de surveillance de la CDC, demandait un peu plus qu’une autocongratulation : à l’approche de la révision du « taux de centralisation » (qui détermine le montant reversé à la CDC et celui laissé aux banques), il souhaitait savoir comment le gouvernement allait arbitrer entre le besoin de logement social et le financement de l’économie. La réponse de Christine Lagarde avait de quoi le laisser perplexe

Mais une écoute attentive de l’interview du président de la République de la veille donnait déjà un indice d’une orientation possible : pour dynamiser l’économie, Nicolas Sarkozy a ainsi parlé, sans plus de détail, de dispositifs pour « orienter l’épargne des Français vers l’industrie ». Coïncidence : depuis maintenant plusieurs semaines, dans le cadre de la guerre d’interviews et de tribunes qui les oppose à Augustin de Romanet, patron de la CDC, les banques avancent précisément l’argument du financement des PME pour convaincre Bercy de leur laisser une plus grosse part du gâteau. En contrepartie de ce deal « encours du livret A contre relance des entreprises », les banques proposeraient, selon Les Échos, une baisse de leurs commissions de 0,6 à 0,5%. Un gros sacrifice, vu les sommes brassées… mais qui serait largement compensé par le cash ainsi capté par les banques.

Les nouvelles normes réveillent la soif d’argent frais

Car sur les 20 milliards d’euros versés en plus sur les livrets A des banques commerciales, seulement 2 milliards venaient de l’extérieur, le reste ayant été « transvasé » d’un autre compte vers ce placement défiscalisé avantageux. Autrement dit, l’opération n’a pas pesé lourd dans le bilan des banques. Pas assez lourd en tout cas au regard des nouvelles régulations internationales.

Siège de la Banque des règlements internationaux à Bâle.

Selon les futurs accords Bâle III, les banques devront avoir en caisse une proportion bien plus importante des sommes misées (ratio de solvabilité), pratiquement le double. Soit 150 milliards d’euros à trouver pour les banques françaises, selon la BNP. « Pour augmenter leur ratio de solvabilité, les banques doivent trouver du cash, résume Jean-Philippe Gasparotto, délégué CGT à la Caisse des Dépôts et Consignations. Or, il n’y a que deux façons de le faire : soit elles demandent à leurs actionnaires de baisser leurs profits, soit elles trouvent de nouvelles sources. De toute évidence, elles n’ont pas envie de se tourner vers leurs actionnaires. »

Et, entre la Caisse des Dépôts et les banques, les montagnes d’argent frais de l’épargne populaire apparaissent comme une solution rêvée… Or, si une part plus importante de la collecte venait à être « immobilisée » dans les bilans dorés à l’or fin des banques commerciales, un problème se poserait bien vite à l’État : en février dernier, la Cour des Comptes s’inquiétait de ce qu’à horizon 2013, l’épargne populaire ne couvre plus les besoins du logement social, recommandant même de « limiter les nouveaux emplois », c’est-à-dire les prêts hors de la mission historique du livret A…

« Cela fait plusieurs décennies que les besoins du logement social sont systématiquement supérieurs aux financements véritablement réalisés et qu’une partie des ressources du livret A est utilisée à d’autres missions ou à des placements financiers », répondait aux Échos Philippe Brassac, secrétaire général de la Fédération nationale du Crédit agricole. Plus préoccupés par la maintien des profits de leurs actionnaires et de leur solvabilité face aux nouvelles normes, les banques envisagent d’user de la dernière arme dont elles disposent si nécessaire : un recours européen pour « concurrence déloyale » contre les réseaux historiques. Le piège se refermerait alors sur le livret A, ravalé au rang de simple produit bancaire face aux juges de la concurrence libre et non faussée.

Photo FlickR CC Tim Paterson ; World Economic Forum ; Benoît Derrier ; Kaunokainnen.

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Internet, subprimes… quand la crédulité des économistes fait des bulles http://owni.fr/2010/11/23/internet-subprimes-quand-la-credulite-des-economistes-fait-des-bulles-speculation-bourse-enron/ http://owni.fr/2010/11/23/internet-subprimes-quand-la-credulite-des-economistes-fait-des-bulles-speculation-bourse-enron/#comments Tue, 23 Nov 2010 10:29:01 +0000 Stéphane Bortzmeyer http://owni.fr/?p=37245 Vous vous souvenez de la grande bulle de l’Internet en 1999-2001, lorsque des prédictions délirantes amenaient des milliers d’investisseurs à injecter plein d’argent dans le réseau que tous les costards-cravate sérieux méprisaient seulement quelques années auparavant ? Dans un article très détaillé et très érudit, « Bubbles, gullibility, and other challenges for economics, psychology, sociology, and information sciences », Andrew Odlyzko revient sur cette bulle, sur celles qui l’ont précédé et celles qui l’ont suivie.

Des business plans qui prévoyaient plus d’usagers du web que d’habitants sur Terre

Odlyzko étudie surtout trois bulles, celle des chemins de fer britanniques vers 1845, celle de l’Internet en 1999-2000, et celle des subprimes qui s’est écroulée en 2008. À chaque fois, on retrouve les mêmes ingrédients notamment une formidable crédulité et une incapacité, chez des gens qui ont tous fait Harvard ou Polytechnique, à faire des maths élémentaires, par exemple des calculs d’intérêts composés (certaines prévisions faites pendant la bulle de l’Internet menaient en peu de temps à ce qu’il y ait davantage d’utilisateurs de l’Internet que d’habitants sur Terre). Ainsi, le mathématicien John Paulos, l’auteur de Innumeracy: Mathematical Illiteracy and its Consequences a lui même perdu beaucoup d’argent dans la bulle de l’Internet, pourtant basée sur des mathématiques ridicules.

L’auteur en déduit qu’on peut même tenter de définir un « indice de crédulité », dont la mesure permettrait d’indiquer qu’on se trouve dans une bulle et qu’il faut donc se méfier. D’autant plus que les personnes précisément chargées de veiller et de donner l’alarme sont les premières à lever les bras avec fatalisme et à dire que les bulles sont indétectables.

L’article cite de nombreuses déclarations d’Alan Greenspan en ce sens ; quoique responsable de la surveillance monétaire, il affirme qu’on ne peut pas détecter les bulles mais n’en a pas pour autant déduit qu’il ne servait à rien et qu’il serait honnête de démissionner. Les journalistes n’ont pas fait mieux et tous reprenaient avec zéro sens critique les communiqués triomphants sur la croissance miraculeuse de l’Internet.

Des pubs “pro bulle” en contradiction avec la documentation officielle !

Odlyzko reprend donc tous les calculs, toutes les affirmations avancées pendant la bulle. Ce n’est pas facile car bien des rapports ultra-optimistes de l’époque ont complètement disparu des sites Web des entreprises concernées. Ainsi, UUNET présentait publiquement, pour encourager les investisseurs, des chiffres (par exemple sur la capacité de son épine dorsale) qui étaient en contradiction avec ses propres documents officiels enregistrés à la SEC. UUnet mentait sur ses capacités antérieures, pour que l’augmentation soit plus spectaculaire.

Cette partie d’analyse a posteriori de la propagande pro-bulle est certainement la plus intéressante de l’article. Il faut la garder en mémoire à chaque fois qu’on voit un Monsieur sérieux faire des prévisions appuyées sur du PowerPoint. Avec le recul, c’est consternant d’imbécillité, le terme « crédulité » parait bien indulgent, puisque tout le monde pouvait vérifier les documents SEC et refaire les calculs (qui étaient trivialement faux). Et pourtant, non seulement cela a eu lieu, mais cela a recommencé quelques années après avec les subprimes. D’autres embrouilles étaient utilisées pour tromper les investisseurs (victimes très consentantes, puisque la vérification aurait été facile), comme de confondre la capacité du réseau et le trafic effectif.

Les escroqueries comme celle de WorldCom ou d’Enron ne sont pas une nouveauté. Vu l’absence totale de sens critique avec lequel sont accueillies les bulles, on peut même se demander, et c’est ce que fait Odlyzko, s’il n’y a pas une raison plus profonde à la crédulité. Par exemple, les empereurs romains, pour tenir le peuple, lui fournissaient « du pain et des jeux ». Aujourd’hui, peu de gens dans les pays riches ont faim et les jeux sont peut-être devenus plus importants que le pain. Les bulles ne sont-elles pas simplement un spectacle ?

Ou bien ont-elle une utilité réelle, par exemple pour convaincre les investisseurs de faire des dépenses lourdes et qui ne rapporteront rien ? Ainsi, la bulle des chemins de fer britanniques vers 1845 a ruiné des investisseurs crédules comme les sœurs Brontë, Charles Darwin ou comme le pédant économiste John Stuart Mill (qui, comme tous les économistes, pontifiait dans le vide sur les beautés du capitalisme, mais ne savait pas reconnaître une bulle) mais elle a aussi permis à la Grande-Bretagne d’avoir un formidable réseau ferré sur lequel son économie a pu s’appuyer. Finalement, les bulles servent peut-être à quelque chose ?

Article publié initialement sur le blog de Stéphane Bortzmeyer sous le titre Des bulles et de la crédulité.

Photos : FlickR CC WoodleyWonderworks ; Mike Licht ; Kenneth Moore.

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[ITW] La carte musique jeune va sauver l’industrie (lol) http://owni.fr/2010/10/28/itw-la-carte-musique-jeune-va-sauver-lindustrie-lol/ http://owni.fr/2010/10/28/itw-la-carte-musique-jeune-va-sauver-lindustrie-lol/#comments Thu, 28 Oct 2010 15:56:04 +0000 Marc Rees http://owni.fr/?p=27494 (Disclaimer : “L’insertion de liens hypertextes vers toute partie du site carte-musique.gouv.fr est interdite, sauf autorisation préalable et écrite du ministère de la culture et de la communication.” Dans ce contexte, il nous est malheureusement impossible de vous fournir le lien vers le site #fail )

Marc Rees, rédacteur en chef de PC INpact, interroge Edouard Barreiro sur LE “projet de l’année” du gouvernement pour accompagner HADOPI dans la reconquête du marché de la musique par l’industrie. Cette carte musique jeune, dont le lancement à été repoussé maintes et maintes fois a enfin vu le jour aujourd’hui.  Cette initiative résorbera-t-elle le déficit de l’industrie? Première déconvenue pour le gouvernement, il est possible de dépenser l’argent public en application iPad et iPhone sur iTunes, et non pas uniquement en musique, comme le révèle Numérama.

Le décret sur la Carte Musique Jeune a été publié ce matin au Journal Officiel. Puisque le dispositif s’adresse aux consommateurs, nous avons voulu connaître l’analyse de l’UFC-Que Choisir. C’est Edouard Barreiro, le chargé de mission sur les technologies de l’information au sein de l’association, qui a bien voulu répondre à nos questions.

PC INpact : Le dispositif Carte Musique Jeune a été publié au J.O. Comme jugez-vous cette démarche destinée à accompagner l’offre légale en ligne ?

Edouard Barreiro : L’UFC-Que Choisir s’oppose à ce dispositif, car, non seulement, il n’aura aucun effet sur la consommation, mais aussi parce qu’une fois de plus il fait appel au portefeuille des consommateurs – via l’impôt – qui subventionne déjà suffisamment cette industrie. Ce système ne fait que renforcer une mécanique vicieuse progressivement mise en place qui permet à certains acteurs de se comporter de manière « parasitaire ». En effet, pourquoi développer une vraie offre légale de qualité et investir si l’argent tombe du ciel via ce type de dispositifs, mais aussi les prélèvements divers sur le numérique ou les différents crédits d’impôt. Pourquoi prendre des risques si d’autres le font ? D’autant plus si ces téméraires (suicidaires ?) entrepreneurs, peuvent être saignés à blanc et devenir une source ponctuelle de confortables revenus – voir le cas Jiwa avec les avances et autres minimums garantis.

Cette politique doit s’arrêter ! De plus, comme je l’ai dit cela n’aura aucun effet sur les habitudes des consommateurs.

Il est illusoire de penser que ce type de démarches va amener les consommateurs vers un mode de consommation qu’ils rejettent depuis longtemps. S’il est rejeté, c’est clairement parce qu’il n’est pas adapté.

Pourquoi vouloir faire entrer des carrés dans des trous ronds ? Même en lubrifiant avec l’argent du contribuable ça ne passera pas. Il ne faut pas se tromper le partage n’est pas la cause de la désaffection des consommateurs pour ces offres, mais bien une conséquence.

Le dispositif sera aussi financé à 20 % par les plates-formes, somme éventuellement prise en charge par les ayants droit. Cela vous convient ?

C’est particulier comme arrangement, ça ressemble presque à la mécanique des marges arrière dans la grande distribution, sauf qu’avec la musique ce n’est plus le distributeur qui mène la danse !

Le scénario est plutôt de cet ordre : « Je te file mon catalogue, mais tu mets de l’argent sur la table pour financer ma petite promo sur mon artiste « bancable » ». Ce scénario choque d’autant plus que, mis à part Apple et peut-être Amazon, je ne vois pas quel acteur sur le marché du numérique peut se vanter de faire de l’argent avec cette activité !

On peut également s’interroger de l’effet de ces pratiques sur la diversité de l’offre. D’autant, plus que le dispositif privilégie la «variété» et les artistes français. Cette préoccupation n’est pas anodine, un rapport de l’Observatoire de la musique vient justement de mettre en évidence que les catalogues de labels indépendants connaissent un recul constant et conséquent. Ils étaient présent dans 94 % de sites au 1er semestre 2009, 83 % au 2e semestre 2009, et dans 75 % des services au 1er semestre 2010.

Et enfin, comme d’habitude, les ayants droit sont là pour encaisser, mais ne mettent rien, enfin n’y sont pas contraints, sur la table… Je suis sûr que le public qui subit et finance Hadopi et autres « joyeusetés » appréciera ! Jusqu’à présent j’étais certain de l’inutilité du dispositif je commence à croire qu’il est vraiment pernicieux !

Finalement, qu’est-ce qu’il manque à cette campagne selon vous ? C’est quoi une “bonne” carte musique jeune ?

La carte musique jeune n’est pas une réponse. La seule réponse est une offre attractive.

Une offre qui conduirait le consommateur à l’envisager comme un moyen crédible de « consommer » des œuvres culturelles. L’offre doit être représentative des usages des consommateurs, mais aussi de leur consentement à payer. Ce dernier est en relation avec le produit disponible. Est-ce normal de payer 10 euros par mois pour un forfait de streaming ou de location qui ne contient pas l’ensemble des catalogues ? Clairement non ! Mais pour un forfait de téléchargement, sans DRM et comprenant tous les catalogues là par contre c’est plus probable !
La structure des coûts (beaucoup de coûts fixes et peu de coûts variables) dans le numérique permet ce genre d’offres. À condition d’adapter les pratiques commerciales et de promotion. On ne vend pas ce type d’offres comme on vend des CD.

En réalité, c’est ce qui pose problème aux maisons de disques. Non seulement il est, avec le numérique, de plus en plus difficile d’orienter la demande, en gros d’expliquer aux consommateurs ce qu’il doit consommer, mais aussi il pourrait être plus difficile de capter le gros de la valeur comme les maisons de disques peuvent le faire avec le CD ou le fichier numérique vendu à l’unité.

Tout cela apparaît de manière évidente dans l’opposition du SNEP à la mise en place d’une gestion collective sur le marché numérique. Solution proposée par la mission Zelnik et actuellement en discussion dans le cadre de la médiation d’E. Hoog.

Pour conclure la seule question pertinente qu’il faut se poser aujourd’hui est que faire pour favoriser une vrai offre légale, j’irai même plus loin comment faire en sorte que les maisons de disques ouvrent leurs catalogues dans des conditions raisonnables aux distributeurs/diffuseur de contenus. La gestion collective est une réponse, mais l’encadrement du marché de gros peut en être une autre !

Merci Edouard Barreiro.

Cet article à été initialement publié sur Pc INpact

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Photos flickr CC : Going… , ~Jin Han ~

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