OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [Infographie] 10 ans de Creative Commons http://owni.fr/2012/12/14/infographie%c2%a010-ans-de-creative-commons/ http://owni.fr/2012/12/14/infographie%c2%a010-ans-de-creative-commons/#comments Fri, 14 Dec 2012 17:30:44 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=127405 Des early adopters aux géants du web, Owni vous retrace en une infographie 10 ans d’histoire de Creative Commons : ou comment un pari que d’aucuns jugeait pascalien a été remporté haut la main : proposer une alternative légale assouplissant la propriété intellectuelle pour favoriser le partage à l’heure du numérique.

Depuis la publication du premier set de licences en décembre 2002, cette généreuse et utile idée a fait son chemin sur les cinq continents, dépassant son cœur initial de cible, la culture, pour s’appliquer à d’autres domaines comme la science ou l’éducation.

Des dix années d’archives que nous avons parcourues, nous avons bien sûr retenu les étapes incontournables qui ont eu une large répercussion médiatique. Elles témoignent de l’évolution interne de l’organisation lancée par le juriste Lawrence Lessig mais aussi de sa réception et de la façon dont le public, qu’il s’agisse du milieu artistique, politique, médiatique, scientifique, etc, s’est emparé de l’outil. Pour en arriver là : plus de 100 affiliations travaillant dans plus de 70 juridictions.et 500 millions de contenus sous CC en 2011.


Cliquez sur les items pour avoir plus d’informations.


Design de l’infographie : Cédric Audinot et Loguy
Code : Julien Kirch
OWNI fêtera les dix ans de partage avec les Creative Commons à la Gaîté Lyrique ce samedi 15 décembre à partir de 14h.

]]>
http://owni.fr/2012/12/14/infographie%c2%a010-ans-de-creative-commons/feed/ 0
Les Creative Commons hackent le droit d’auteur ! http://owni.fr/2012/12/14/les-creative-commons-hackent-le-droit-dauteur/ http://owni.fr/2012/12/14/les-creative-commons-hackent-le-droit-dauteur/#comments Fri, 14 Dec 2012 13:00:49 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=126730

Les licences Creative Commons vont  bientôt fêter les dix ans de leur création ! La fondation Creative Commons a en effet été lancée en 2001, à l’initiative notamment du juriste américain Lawrence Lessig, et les premiers jeux de licences ont été publiés en décembre 2002.

Avant de souffler les bougies, fermons les yeux et essayons d’imaginer un instant à quoi ressemblerait Internet si les licences Creative Commons n’existaient pas… Nul doute que quelque chose d’essentiel nous manquerait, car les CC sont devenus un des standards de l’environnement numérique et la clé de voûte de la mise en partage des contenus culturels.

Durant ces dix années, l’arsenal de protection de la propriété intellectuelle n’a cessé de se renforcer et de se rigidifier, même si les rejets d’ACTA et de SOPA ont marqué cette année un premier coup d’arrêt à ce mouvement. Dans le même temps, les Creative Commons ont pourtant apporté la preuve qu’il était possible de penser le droit d’auteur autrement, sans attendre que les lois soient modifiées.

C’est sans doute ce qu’il y a de plus spectaculaire avec les CC. S’appuyant sur des contrats, qui sont la base même du fonctionnement du droit d’auteur, les licences Creative Commons ont introduit dans la sphère de la création générale le renversement copernicien que les licences libres avaient déjà opéré dans pour le logiciel. Elles y ont ajouté l’idée géniale d’une signalétique simple et claire des droits en ligne, sous forme de logos et de résumés simplifiés, favorisant l’appropriation des licences par les non-juristes.

Créés en dehors de l’action des États, les Creative Commons ont permis de “hacker” de l’extérieur le droit d’auteur pour donner une base juridique aux pratiques de mise en partage des oeuvres, de production collaborative de contenus et de réutilisation créative (remix, mashup). Partir des libertés plutôt que des restrictions pour diffuser leurs oeuvres, voilà ce que les licences Creative Commons permettent aux auteurs, à partir d’un système d’options qui offrent à chacun la possibilité de choisir le degré d’ouverture convenant à son projet.

En cela, les Creative Commons remettent l’auteur au centre du système et si l’on en croit les chiffres avancés dans la brochure The Power of Open, ce sont plus de 400 millions d’oeuvres par le monde qui ont été ainsi mise en partage par leurs créateurs, formant une galaxie de biens communs volontaires.

Les Creative Commons sont porteurs d’une révolution pour la conception du droit d’auteur et pour son adaptation aux exigences de l’environnement numérique. Le philosophe Michel Serres avait particulièrement bien expliqué les enjeux d’une telle évolution dans cette interview :

Dans une société, il y a des zones de droit et des zones de non-droit. La forêt était jadis une zone de non-droit infestée de malandrins et de voleurs. Un jour, pourtant, un voyageur traversant la forêt de Sherwood constata que tous les voleurs portaient une sorte d’uniforme ; ils portaient tous un chapeau vert et ils étaient sous le commandement de Robin Hood. Robin, qu’est-ce que ça veut dire ? Celui qui porte la robe du juge. Robin incarne le droit qui est en train de naître dans un lieu où il n’y avait pas de droit. Toutes les lois qu’on veut faire sur les droits d’auteur et la propriété sur Internet, c’est de la rigolade. Internet est un lieu de non-droit comme la forêt dont nous parlions. Or un droit qui existe dans un lieu de droit n’est jamais valable dans un lieu de non-droit. Il faut que dans ce lieu de non-droit émerge un nouveau droit. Dans le monde de demain doit émerger un nouveau droit. Si vous voulez réguler le monde d’aujourd’hui avec le vieux droit, vous allez échouer, exactement comme on a fait sur Internet. Il faut attendre que dans la forêt d’Internet on puisse inventer un droit nouveau sur ce lieu de non-droit. Plus généralement, dans cette crise qui fait entrevoir un nouveau monde, ce n’est pas le droit ancien qui va prévaloir.

Issus directement de la “forêt d’Internet”, les Creative Commons constituent l’un des pans de ce droit nouveau dont le système a besoin pour retrouver la paix et l’équilibre. On pourra d’ailleurs se rendre compte de la richesse et de l’étendue des propositions de l’organisation en lisant le compte rendu de l’audition par la mission Lescure de Creative Commons France.

Pour essayer de faire un bilan de l’avancement du projet Creative Commons à l’occasion de ces 10 ans, voici 10 points d’analyse : 3 réussites à souligner, 3 limites à dépasser, 3 défis à relever et un horizon à atteindre.

3 réussites à souligner :

1) L’épreuve du feu de la validité en justice

Les Creative Commons ne sont pas des “alternatives” au droit d’auteur, mais une façon de le faire fonctionner autrement, en jouant avec la logique contractuelle. L’un des défis majeurs pour les licences consistait à se faire accepter par les juridictions dans les divers pays du monde, alors même qu’elles étaient nées en dehors de l’action des États.

Pour l’instant, cette épreuve du feu de la validité  a été surmontée avec succès chaque fois que les Creative Commons ont été au coeur d’un litige soumis à un juge. Les Creative Commons ont ainsi été reconnues valides en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, aux Etats-Unis, en Israël.

Aucune affaire cependant en France n’a encore porté sur une oeuvre placée sous licence Creative Commons, ce qui permet parfois à certains juristes de continuer à faire planer le doute sur leur compatibilité avec le droit français ou d’entretenir la confusion avec l’expression “libre de droits“. Au vu des décisions rendues par d’autres juridictions en Europe, il n’y a pourtant pas lieu de penser que les Creative Commons ne seraient pas valables au pays de Beaumarchais.

On en vient à espérer qu’un procès survienne pour acter définitivement la compatibilité avec le droit français. Mais l’absence de contentieux prouve aussi la capacité des licences à assurer paisiblement et efficacement la régulation des échanges, sans provoquer de litiges.

2) L’adoption par de grandes plateformes des médias sociaux

La semaine dernière, la plateforme de partage de photographies 500px annonçait qu’elle offrirait désormais à ses utilisateurs la possibilité d’utiliser les licences Creative Commons. C’est la dernière d’une longue série et cette adoption par les médias sociaux a joué un rôle décisif dans la diffusion des licences.

Le fait que Flickr ait très tôt offert cette possibilité à ses utilisateurs a constitué un jalon important, qui en fait aujourd’hui un des carrefours de la mise en partage des contenus avec plus de  plus de 240 millions de photographies sous CC. D’autres sites importants comme Vimeo, Soundcloud ou Bandcamp ont suivi cet exemple. Le fait que la communauté de Wikipedia ait aussi choisi en 2009 de faire passer l’encyclopédie collaborative sous CC-BY-SA a également constitué un tournant essentiel. En 2011, c’est YouTube qui avait créé l’évènement en annonçant la mise en place de la possibilité de placer des vidéos sous CC. En moins d’un an, ce sont plus de 4 millions de fichiers qui ont été mis en partage par le biais des licences sur la plateforme de Google.

Cette inclusion progressive des licences Creative Commons dans l’écosystème des médias sociaux est incontestablement une réussite, mais elle rencontre certaines limites importantes. Des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter n’offrent toujours pas cette possibilité à leurs usagers (même si des applications non-officielles existent pour cela). En août dernier, il a fallu qu’un service tiers “force la main” à Instagram en utilisant son API pour que les utilisateurs de ce service puissent enfin placer leurs photos sous CC, avec des résultats mitigés.

Nul doute que l’articulation entre les Creative Commons et les CGU des grands médiaux sociaux constitue un point essentiel pour leur développement, ainsi qu’un facteur qui garantit une meilleure maîtrise pour les individus des droits sur leurs contenus.

3) La mise en place de modèles économiques convaincants

L’un des arguments utilisés pour dénigrer les Creative Commons consiste à affirmer que les licences impliqueraient nécessairement une diffusion gratuite et qu’elles empêcheraient les artistes de tirer bénéfice de leurs créations. C’est grossièrement faux et les Creative Commons ont apporté la preuve qu’elles pouvaient être utilisées au contraire pour mettre en place des modèles économiques innovants.

Grâce aux clauses NC (Pas d’usage commercial), les créateurs peuvent moduler l’ouverture des licences et continuer à monétiser certains types d’usages tout en laissant circuler leurs oeuvres. Ces modèles mixtes ont produit de belles réussites dans tous les domaines, qu’il s’agisse de musique, de livres, de photographies, de films ou de jeux vidéo .

L’articulation entre Creative Commons et crowdfunding ouvre également des pistes intéressantes aux artistes pour obtenir des financements tout en élargissant les droits de leur public. Une page spéciale du site américain Kickstarter liste les projets pour lesquels les auteurs ont proposé de placer leur création sous licence Creative Commons si le public  les aidait à rassembler les financements en amont. On retrouve le même principe sur d’autres plateformes comme Indiegogo, ou côté français Ulule et KissKissBankBank, tandis que le site espagnol Goteo propose exclusivement le financement de projets sous licences libres.

Par bien des côtés, ces pratiques annoncent sans doute les modèles économiques de demain.

3 limites à dépasser :

1) Remédier à l’imprécision de la clause non-commerciale

A l’occasion du passage à la version 4.0, un débat assez vif a divisé la communauté Creative Commons à propos de l’opportunité de maintenir la clause Non-Commerciale parmi les options proposées par les licences.

Il est clair que l’imprécision relative de cette clause fragilise la mise en oeuvre des Creative Commons, d’autant plus que les licences NC sont les plus utilisées. Le juriste Benjamin Jean estime que Creative Commons International a une part de responsabilité dans ce flottement :

j’accuse pour ma part Creative Commons de maintenir ce flou en ne souhaitant pas faire le choix d’une définition précise (le problème d’une telle définition est 1) qu’il n’emporterait pas l’unanimité et 2) qu’elle ne saurait être rétroactive…).

Pour la version 4.0, il semblerait que Creative Commons ait choisi de s’en tenir au statu quo et de maintenir cette clause en l’état, vu qu’aucun consensus ne se dégageait nettement concernant sa reformulation. Il faudra sans doute pourtant réouvrir tôt ou tard cette réflexion, qui touche à quelque chose d’essentiel dans la capacité des licences Creative Commons à servir de base pour le développement de modèles économiques. Il faudra néanmoins pour cela que la communauté arrive à s’accorder sur cette question épineuse, ce qui reste loin d’être évident…

2) Une meilleure application aux bases de données et à l’Open Data

Une des évolutions que Creative Commons n’a pas très bien négocié ces dernières années est celle de l’Open Data. On aurait pu penser que ces licences auraient pu être employées pour ouvrir les bases de données et libérer les informations publiques, mais des difficultés juridiques sont survenues qui ont limité l’application des Creative Commons dans ce domaine.

Les licences Creative Commons sont prévues pour s’appliquer aux droits voisins, mais la version 3.0 appréhende relativement mal le droit sui generis des bases de données tel qu’il existe en Europe. Par ailleurs, les licences Creative Commons n’étaient pas non plus prévues pour encadrer le droit à la réutilisation des informations, ce qui a pu conduire à des flottements en France dans le cdare du développement de l’Open Data.

Certains pays ont néanmoins choisi d’opter pour les Creative Commons pour diffuser leurs données (Autriche, Australie, Nouvelle-Zélande), mais d’autres comme l’Angleterre ou la France ont préféré écrire leurs propres licences. Les difficultés susmentionnées ont aussi conduit certains gros projets collaboratifs, comme OpenStreetMap à changer de licence, préférant l’ODbL, spécialement conçue pour les bases de données aux licences Creative Commons.

Il avait été envisagé que la version 4.0 des CC soit modifiée pour mieux prendre en compte le droit des bases de données et c’est sans doute un enjeu important pour que Creative Commons continuer à jouer un rôle dans le domaine de l’Open Data.

3) Développer la compatibilité avec la gestion collective des droits :

Un des facteurs qui freinent fortement l’adoption des Creative Commons par les artistes réside dans le fait que les sociétés de gestion collective n’acceptent généralement pas que les auteurs placent tout ou partie de leur répertoire sous licence ouverte. Les artistes sont donc réduits à choisir entre utiliser les Creative Commons ou renoncer à la gestion collective.

Pour autant, reprenant une formule qui avait déjà été testée en 2007 aux Pays-bas, Creative Commons a conclu fin 2011 un partenariat avec la SACEM en France pour monter une expérience pilote, afin d’ouvrir aux auteurs et compositeurs de musique la possibilité d’utiliser certaines des licences CC.

On peut considérer qu’il s’agit d’une avancée importante pour la reconnaissance des Creative Commons en France, mais cet accord a également soulevé de nombreuses critiques, notamment de la part des communautés du Libre, ainsi qu’a propos de la façon dont la SACEM entend redéfinir la définition du Non-Commercial de manière extensive.

Il est clair pourtant qu’il est crucial que les sociétés de gestion collective s’ouvrent aux licences Creative Commons, mais le défi consiste à organiser cette connexion sans que les licences subissent des altérations qui en dénaturent la logique.

3 défis à relever :

1) Une meilleure prises en compte par les mécanismes traditionnels de financement de la création

On peut s’étonner que les licences Creative Commons ne soient pas davantage utilisées dans certains domaines, comme le cinéma. Il existe des exemples dans le domaine du court métrage d’animation et le Film espagnol El Cosmonauta du producteur espagnol Riot Cinema avait constitué un exemple intéressant de combinaison du crowdfunding et des licences libres pour un projet ambitieux.

Mais il faut plutôt aller voir du côté des modes de financement et de distribution des oeuvres cinématographiques pour comprendre pourquoi il est très difficile pour des films sous CC de voir le jour. Le cinéma bénéficie en effet d’importantes subventions, comme les avances sur recettes du CNC. Or les oeuvres sous licences libres ne peuvent pas bénéficier de ces formes de financement, ce qui les coupent de leviers importants. C’est une situation qu’a souvent dénoncé le Collectif Kassandre en France, avant de décider de mettre fin à ses activités cette année.

Il est clair qu’un des moyens de favoriser le développement d’oeuvres sous licence Creative Commons serait d’organiser des filières particulièrement de financement et de distribution, par les organismes de soutien à la création que sont par exemple le CNC pour le Cinéma ou le CNL pour les livres. Cela pourrait d’ailleurs constituer un des axes de réflexion de la Mission Lescure pour favoriser le développement de l’offre légale.

C’est un enjeu majeur pour favoriser l’adoption des Creative Commons par les créateurs professionnels, au-delà des amateurs.

2)  Favoriser l’adoption des licences Creative Commons par les administrations

L’adoption des licences Creative Commons par les administrations est un facteur qui peut grandement contribuer à leur diffusion. Pour l’instant, les exemples restent cependant relativement rares. Le site de la Maison blanche est par exemple placé sous licence CC-BY, mais il est assez difficile de citer d’autres cas aussi emblématiques (hormis au niveau international : Banque Mondiale, UNESCO, OCDE). On assiste même parfois à des retours en arrière, comme au Brésil où le Ministère de la Culture a choisi en 2011 de retirer la licence Creative Commons de son site pour revenir à un régime de droits réservés.

The battle for copyright (La bataille du copyright) par Christopher Dombres (cc)

Pourtant il existe un intérêt réel pour les administrations et les services publics à entrer dans la logique de mise en partage et de collaboration que favorisent les licences Creative Commons. En France, la municipalité de Brest par exemple montre comment ont peut développer la dynamique participative et l’expression citoyenne au niveau d’un territoire à partir de sites et de plateformes placées sous licence Creative Commons.

Au niveau central, on pourrait espérer que le premier ministre par exemple prolonge la circulaire qui a été récemment publiée pour favoriser l’usage des logiciels libres dans les administrations par un  texte incitant les services à placer les contenus qu’ils produisent sous licence Creative Commons. Une telle démarche d’Open Content viendrait compléter celle qui est initiée actuellement au niveau de l’État en matière d’Open Data.

Dans cette optique, l’un des champs privilégiés serait le développement de ressources pédagogiques sous licence Creative Commons, ainsi que la mise à dispositions des résultats de la recherche scientifiques. La Californie aux États-Unis et la Colombie britannique au Canada ont récemment voté des textes de loi pour favoriser le développement de bibliothèques numériques de manuels d’enseignement Open Source, sous licence CC-BY. Le réseau européen Communia a également publié une déclaration importante la semaine dernière pour appeler les responsables de l’Union a rendre obligatoire non seulement l’Open Access aux articles scientifiques financés par des fonds publics en Europée, mais aussi leur passage sous licence CC-BY.

3) Peut-on rendre les Creative Commons Mainstream ?

Le défi majeur à mes yeux pour les licences Creative Commons consiste à savoir comment on peut en favoriser plus largement l’adoption, en dehors même du cercle des adeptes de la Culture libre.

Dans une chronique précédente, j’avais relevé par exemple que les 240 millions de photographies sur Flickr sous licence Creative Commons ne représentent au final qu’un peu plus de 3% des contenus du site. On retrouve à peu près les mêmes proportions sur la plateforme de partage de vidéos Vimeo. Même si en valeur absolue, l’adoption des Creative Commons par 3% des créateurs suffit à produire des masses de contenus réutilisables importantes, il est clair que l’on ne modifie pas un système en profondeur avec des pourcentages de cet ordre.

Dix ans après sa création, il est désormais essentiel pour Creative Commons de réfléchir à la manière dont les licences pourraient devenir “mainstream”. Une des pistes seraient peut-être de creuser les partenariats avec les grands médias. La BBC par exemple en Angleterre a conduit des expériences de diffusion de programmes télévisés sous licence Creative Commons, ainsi que pour ses archives. La chaîne d’information Al Jazeera est quant à elle engagée dans un usage avancé de diffusion ouverte de ses contenus, au sein de son Creative Commons Repository. En Hollande, c’est l’équivalent de l’INA qui valorise une partie de ses contenus sous licence Creative Commons sur la plateforme Images For The Future. Et la télévision norvégienne a déjà libéré certains de ses contenus sous licence CC, mais seulement pour des volumes limités.

En France, on peut déjà citzer quelques exemple, avec la plateforme Arte Creative ou le site de critiques de livres Non Fiction, mais il faut bien avouer que les Creative Commons sont encore en retrait dans les médias traditionnels. La piste des licences libres constituerait pourtant pour eux un moyen d’innover et de développer un rapport plus interactif avec le public.

Un horizon à atteindre

Au bout de 10 ans, les Creative Commons ont fait leur preuve quant à leur capacité à organiser la circulation et la réutilisation des contenus en ligne, tout en apaisant les relations entre les auteurs et le public. Certaines propositions de réforme du droit d’auteur vont à présent plus loin, en suggérant de placer tous les contenus postés sur le web par défaut sous un régime autorisant la réutilisation à des fins non-commerciales des oeuvres.

Une telle proposition avait été appelée Copyright 2.0 par le juriste italien Marco Ricolfi et elle aurait abouti dans les faits à faire passer par défaut le web tout entier sous licence CC-BY-NC. Pour revendiquer un copyright classique (tous droits réservés), les titulaires de droits auraient eu à s’enregistrer dans une base centrale.

On retrouve une logique similaire dans les propositions qui visent à faire consacrer la légalisation du partage non-marchand entre individus des oeuvres, qu’il s’agisse des Éléments pour la Réforme du droit d’auteur de la Quadrature du Net ou du programme du Parti Pirate.

Si de telles réformes venaient à être mises en oeuvre, c’est l’ensemble du système du droit d’auteur qui serait modifié dans la logique des Creative Commons. Le régime juridique de base d’Internet deviendrait grosso-modo la licence CC-BY-NC et les auteurs pourraient toujours choisir d’aller plus loin en employant des licences encore plus ouvertes (CC-BY, CC-BY-SA, etc).

Rendez-vous dans dix ans, pour voir si cet horizon a été atteint !


Toutes les illustrations par Christopher Dombres (cc-by)
OWNI fêtera les dix ans de partage avec les Creative Commons à la Gaîté Lyrique samedi 15 décembre à partir de 14h.

]]>
http://owni.fr/2012/12/14/les-creative-commons-hackent-le-droit-dauteur/feed/ 0
Lescure, du droit d’auteur au devoir d’hébergeur http://owni.fr/2012/12/06/lescure-du-droit-dauteur-au-devoir-dhebergeur/ http://owni.fr/2012/12/06/lescure-du-droit-dauteur-au-devoir-dhebergeur/#comments Thu, 06 Dec 2012 15:11:04 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=127024

“Maintenir les principes [du droit d'auteur] en les adaptant”. C’est la philosophie de la mission confiée par le gouvernement à Pierre Lescure, qui a fait en fin de matinée un très chic rapport d’étape [PDF] dans les salons du ministère de la Culture, en présence de sa locataire, Aurélie Filippetti.

Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds

Lescure, Pellerin et Filippetti dans un sac de noeuds

L'Internet français entre Monty Python et Plus Belle la Vie. Bug Facebook, pigeons, Lescure, guerres de ...

Le point presse, révélé dans ses grandes largeurs quelques heures plus tôt sur le site du Monde, était surtout destiné à occuper le terrain dans un agenda gouvernemental chargé sur les questions numériques : les conclusions sur le rapprochement du CSA et de l’Arcep devrait arriver “dans les prochains jours” a indiqué la ministre, suivies de près par celles du rapport dit “Colin et Collin” sur la fiscalité numérique.

Avec son cœur d’hébergeur

L’occasion pour la ministre et son chargé de mission de rappeler, badges officiels vissés sur le cœur, leurs priorités pour un “Acte 2 de l’exception culturelle”. Mais aussi de commencer à ruer dans les brancards. Seule annonce véritable de la matinée, Pierre Lescure a en effet fait part de son intention de “revenir sur certains statuts, dont celui des hébergeurs”.

Et par hébergeurs, il fallait en fait entendre Google : la mission Lescure s’inscrit pleinement dans la guerre que mène le gouvernement français à l’encontre du géant du web, dans un objectif de reconquête de sa “souveraineté numérique”. Une souveraineté qui doit également être “culturelle” a signalé le fondateur de Canal +, déclarant :

Quand l’hébergeur a un service comme YouTube et qu’il recommande des choses à l’utilisateur, il est plus qu’un hébergeur.

Mission Lescure impossible

Mission Lescure impossible

La guerre serait-elle déjà déclenchée ? A peine installée, la mission Lescure, qui planche sur l'avenir de la culture ...

Interrogé sur une éventuelle incompatibilité avec le droit européen, qui fait autorité en la matière, Pierre Lescure a indiqué que “l’Europe n’a pas toujours raison” et qu’elle “peut évoluer”. Sans en dire davantage sur les modalités concrètes de cette évolution du régime de responsabilité des hébergeurs, véritable serpent de mer du secteur. Ce qui est sûr, c’est que la mission souhaite “responsabiliser” davantage ces acteurs, qui ne peuvent être considérés comme des “tuyaux neutres”. Pour pourquoi pas, aussi, mieux les taxer, même si l’ancien boss de Canal s’est défendu de vouloir mettre en place “le meilleur système “ permettant d’y parvenir.

Contacté par Owni, Google n’a pour le moment pas répondu à nos sollicitations.

Auditions et contradictions

Sur les autres orientations de la mission, mise en place d’une offre légale et lutte contre la contrefaçon, le temps a surtout été à la répétition.

Pierre Lescure a plaidé une nouvelle fois pour une offre légale made in France, en particulier dans le cinéma, où les tarifs, la diversité des catalogues et la chronologie des médias actuelle laissent encore à désirer.

Évidemment, pas un mot ou presque sur Hadopi, avec laquelle Pierre Lescure assure néanmoins travailler en bonne intelligence. En matière de défense de la propriété intellectuelle en ligne, outre la responsabilisation des hébergeurs, il indique vouloir agir de manière plus globale, en “luttant contre les sites illégaux en amont” et en “tarissant leurs sources de financement”.

La mission a par ailleurs confirmé son intention de ne pas aller vers une légalisation des échanges non marchands, “via une ‘licence globale’ ou une ‘contribution créative’”, soulignant que cette mesure “fait l’objet d’un rejet assez général”. Le collectif de la Quadrature du Net et l’UFC Que Choisir, favorables à ce mécanisme, déclaraient fin septembre leur intention de boycotter la mission.

Nous, les autistes du web

Nous, les autistes du web

Les professionnels du cinéma, dans leur majorité, n'aiment pas beaucoup Internet, au mieux utile aux opérations marketing ...

La mission poursuivra ses auditions jusqu’à fin décembre. Ce sera alors l’heure de la réflexion et de l’émission de propositions concrètes. “Entre nous” a précise Pierre Lescure, qui dit néanmoins veiller à l’écoute des différentes voix de la culture et du numérique. Un remue-méninges qui devrait durer “deux à deux mois et demi” avant la confrontation publique.

Pour le moment, le bilan semble bon : la presse (Le Monde ou Libération ce jour) salue par exemple l’effort de consultation, face aux “simulacres” de discussions des “missions Olivennes ou Zelnik lancées sous l’ère Sarkozy, qui ont surtout masqué des décisions prises d’avance (Hadopi en tête)”. Mais au-delà de l’intention, restent à voir les arbitrages concrets et la manière dont le gouvernement tranchera (ou pas) les “contradictions” observées par Pierre Lescure dans un bouillon de culture toujours aussi agité.

]]>
http://owni.fr/2012/12/06/lescure-du-droit-dauteur-au-devoir-dhebergeur/feed/ 5
Le prix de l’information http://owni.fr/2012/11/22/le-prix-de-l-information/ http://owni.fr/2012/11/22/le-prix-de-l-information/#comments Thu, 22 Nov 2012 11:56:24 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=126458

Without a Face, a portrait of the Soul - Photo CC by familymwr

“Information wants to be free”, vous vous souvenez ?

C’est sans toute l’une des phrases les plus célèbres prononcées à propos d’Internet. En 1984, l’auteur américain Stewart Brand lance au cours de la première Hacker’s Conference organisée en Californie :

Information wants to be free.

Ces mots deviendront l’un des slogans les plus forts du mouvement de la Culture libre et ils rencontrent encore aujourd’hui des échos importants, avec l’affaire WikiLeaks par exemple, les révolutions arabes ou le mouvement de l’Open Data. L’idée de base derrière cette formule consiste à souligner que l’information sous forme numérique tend nécessairement à circuler librement et c’est la nature même d’un réseau comme internet de favoriser cette libération.

Mais les choses sont en réalité un peu plus complexe et Stewart Brand dès l’origine avait parfaitement conscience que la libre circulation de l’information était une chose qui engendrerait des conflits :

D’un côté, l’information veut avoir un prix, parce qu’elle a tellement de valeur. Obtenir la bonne information au bon endroit peut juste changer toute votre vie. D’un autre côté, l’information veut être libre, parce que le coût pour la produire tend à devenir continuellement de plus en plus bas. Nous avons une lutte entre ces deux tendances.

Ce conflit latent traverse toute l’histoire d’Internet et il atteint aujourd’hui une forme de paroxysme qui éclate dans une affaire comme celle de la Lex Google.

Encapsuler l’information

Pour obliger le moteur de recherche à participer à leur financement, les éditeurs de presse en sont à demander au gouvernement de créer un nouveau droit voisin à leur profit, qui recouvrira les contenus qu’ils produisent et soumettra l’indexation, voire les simples liens hypertexte, à autorisation et à redevance.

Il est clair que si de telles propositions se transforment en loi dans ces termes, la première tendance de Stewart Brand aura remporté une victoire décisive sur l’autre et une grande partie des informations circulant sur Internet ne pourra plus être libre. La Lex Google bouleverserait en profondeur l’équilibre juridique du droit de l’information.

En effet, c’était jusqu’alors un principe de base que le droit d’auteur protège seulement les oeuvres de l’esprit, c’est-à-dire les créations originales ayant reçu un minimum de mise en forme. Cette notion est certes très vaste puisqu’elle englobe toutes les créations “quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination”, mais elle ne s’applique pas aux idées, aux données brutes et à l’information qui ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation et demeurent “de libre parcours”.

Une presse sans copyright

Une presse sans copyright

Les articles de presse doivent-ils être protégés par le droit d'auteur ? Ce n'est pas l'avis d'un récent arrêt d'une ...

Ces éléments forment un “fonds commun”, comme le dit le professeur Michel Vivant, dans lequel chacun peut venir puiser librement sans entrave pour alimenter ses propres réflexions et créations. Tout comme le domaine public, ce fonds commun joue un rôle primordial dans l’équilibre du système, afin que le droit d’auteur n’écrase pas d’autres valeurs fondamentales comme le droit à l’information ou la liberté d’expression.

Créer un droit voisin sur les contenus de presse reviendrait à “encapsuler” l’information dans une carapace juridique et à anéantir une grande partie de ce domaine public informationnel. L’information en elle-même, et non son expression sous forme d’articles, passerait subitement en mode propriétaire, avec même une mise en péril du simple droit à la citation.

À vrai dire, cette tendance à l’appropriation existe depuis longtemps. Elle s’est déjà manifestée par la création d’un droit des bases de données dans les années 90, dont l’application soulève de nombreuses difficultés. Des signes plus récents montrent qu’un revirement plus profond encore est en train de s’opérer dans la conception de la protection de l’information.

Les dépêches de l’AFP ont ainsi longtemps bénéficié d’une sorte de statut dérogatoire, comme si l’information brute qu’elle contenait et qu’elles étaient destinées à véhiculer primait sur le droit à la protection. Les juges considéraient traditionnellement que ces dépêches n’étaient pas suffisamment originales pour qu’on puisse leur appliquer un droit d’auteur, ce qui garantissait leur libre reprise. Mais l’AFP s’est efforcée de renverser le principe, en attaquant dès 2005 Google News devant les tribunaux, ce qui préfigurait d’ailleurs très largement les débats autour de la Lex Google.

Or en février 2010, le Tribunal de commerce de Paris a reconnu que les dépêches pouvaient présenter une certaine forme d’originalité susceptible d’être protégée :

[...] Attendu que les dépêches de l’AFP correspondent, par construction, à un choix des informations diffusées, à la suite le cas échéant de vérifications de sources, à une mise en forme qui, même si elle reste souvent simple, n’en présente pas moins une mise en perspective des faits, un effort de rédaction et de construction, le choix de certaines expressions [...]

L’affaire a été portée en appel, mais en attendant, l’information brute se trouve bien à nouveau recouverte par le droit d’auteur.

Demain, tous des parasites informationnels ?

Une affaire récente, qui a défrayé la chronique, va encore plus loin et elle pourrait bien avoir des retentissements importants, puisqu’elle tend à faire de chacun de nous des parasites en puissance de l’information, attaquables devant les tribunaux.

Jean-Marc Morandini vient en effet d’être condamné à verser 50 000 euros au journal Le Point, qui l’accusait de piller régulièrement la partie Médias 2.0 de son site, afin d’alimenter ses propres chroniques. Le jugement de la Cour d’Appel de Paris qui a prononcé cette condamnation est extrêmement intéressant à analyser, car il nous ramène au coeur de la tension autour de l’information libre formulée par Stewart Brand.

L’AFP peut-elle survivre au web et aux réseaux?

L’AFP peut-elle survivre au web et aux réseaux?

Institution de l'information, l'AFP traverse, comme beaucoup de médias, une phase de remise en question de son modèle ...

En effet, le juge commence logiquement par examiner si les articles repris sur Le Point peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur. Et là, surprise, sa réponse est négative, en vertu d’un raisonnement qui rappelle la position traditionnelle sur les dépêches AFP. La Cour estime en effet que les brèves figurant dans cette rubrique Medias 2.0 constituent des articles “sans prétention littéraire, ne permet[tant] pas à leur auteur, au demeurant inconnu, de manifester un véritable effort créatif lui permettant d’exprimer sa personnalité”. C’est dire donc qu’elles ne sont pas suffisamment originales pour entrer dans le champ du droit d’auteur, le journaliste qui les rédige (Emmanuel Berretta) se contentant de diffuser de l’information brute.

Nous sommes donc bien en dehors de la sphère de la contrefaçon, mais les juges ont tout de même estimé que Morandini méritait condamnation, sur la base du fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme. La Cour reconnaît que le journaliste imite Le Point “avec suffisamment de différences pour éviter le plagiat, notamment en modifiant les titres des brèves et articles repris”, mais elle ajoute qu’il tend ainsi ainsi “à s’approprier illégitimement une notoriété préexistante sans développer d’efforts intellectuels de recherches et d’études et sans les engagements financiers qui lui sont normalement liés”. Plus loin, elle explique qu’ “il ne suffit pas d’ouvrir une brève par la mention “Selon le journal Le Point” pour s’autoriser le pillage quasi systématique des informations de cet organe de presse, lesquelles sont nécessairement le fruit d’un investissement humain et financier considérable”.

On est donc en plein dans la première partie de la citation de Stewart Brand : “information wants to be expensive, because it’s so valuable”. L’avocat du Point commentait de son côté la décision en ces termes :

Qu’il y ait une circulation de l’information sur Internet, du buzz, des reprises…, c’est normal, c’est la vie du Web, reprend Me Le Gunehec. Nous l’avions dit franchement à la cour d’appel, et elle le sait bien. Mais elle a voulu rappeler qu’il y a une ligne jaune : se contenter de reprendre les informations des autres, sous une forme à peine démarquée, avec quelques retouches cosmétiques pour faire croire à une production maison, cela ne fait pas un modèle économique acceptable. Et on pourrait ajouter : surtout quand cette information est exclusive.

Cette dernière phrase est très importante. Ce qu’elle sous-entend, c’est que celui qui est à l’origine d’une information exclusive devrait pouvoir bénéficier d’un droit exclusif sur celle-ci pour pouvoir en contrôler la diffusion et la monétiser. La logique du droit jusqu’à présent était pourtant exactement inverse : pas de droit exclusif sur l’information elle-même…

Sans avoir aucune sympathie particulière pour Morandini, il faut considérer qu’un tel raisonnement peut aboutir à nous rendre tous peu ou prou des parasites de l’information, car nous passons notre temps à reprendre des informations piochées en ligne sur Internet. Certains commentaires ont d’ailleurs fait remarquer à juste titre que cette jurisprudence heurtait de front le développement des pratiques de curation de contenus en ligne.

Revendiquer un droit exclusif sur l’information brute elle-même, différent du droit d’auteur sur son expression, c’est d’une certaine façon courir le risque de permettre l’appropriation de la réalité elle-même. Qu’adviendrait-il d’un monde où l’information serait ainsi protégée ? Un monde où l’information est copyrightée ?

Paranoia - Photo CC byncsa perhapsiam

Science-fiction

Il se trouve que la science-fiction a déjà exploré cette possibilité et la vision qu’elle nous livre est assez troublante et donne beaucoup à réfléchir sur cette crispation que l’on constate à propos du droit de l’information.

Dans sa nouvelle d’anticipation “Le monde, tous droits réservés” figurant dans le recueil éponyme, l’auteur Claude Ecken imagine justement un mode dans lequel l’information pourrait être copyrightée et les conséquences que cette variation pourrait avoir sur les médias et la société dans son ensemble.

L’information « papier » est hors de prix

L’information « papier » est hors de prix

Quelles sont les offres payantes en France tant en papier que sur le web et sont-elles attractives ? Marc Mentré nous livre ...

Dans un futur proche, l’auteur envisage que la loi a consacré la possibilité de déposer un copyright sur les évènements, d’une durée de 24 heures à une semaine, qui confère un droit exclusif de relater un fait, empêchant qu’un concurrent puisse le faire sans commettre un plagiat. A l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui avec la reprise des dépêches des agences AFP ou Reuters, les organes de presse se livrent à une lutte sans merci pour être les premiers à dénicher un scoop sur lequel elles pourront déposer un copyright.

L’intérêt de la nouvelle est de développer dans le détail les implications juridiques et économiques d’un tel mécanisme. Les témoins directs d’un évènement (la victime d’une agression, par exemple) disposent d’un copyright qu’ils peuvent monnayer auprès des journalistes. Lorsqu’une catastrophe naturelle survient, comme un tremblement de terre, c’est cette fois le pays où l’évènement s’est produit qui détient les droits sur l’évènement, qu’elle vendra à la presse pour financer les secours et la reconstruction.

Et immanquablement, cette forme d’appropriation génère en retour des formes de piratage de l’information, de la part de groupuscules qui la mettent librement à la disposition de tous sous la forme d’attentats médiatiques, férocement réprimés par le pouvoir en place, ce qui rappelle étrangement l’affaire WikiLeaks, mais portée à l’échelle de l’information générale.

Si Claude Ecken s’applique à démontrer les dangers d’un tel système, il laisse aussi son héros en prendre la défense :

Avant la loi de 2018, les journaux d’information se répétaient tous. Leur spécificité était le filtre politique interprétant les nouvelles selon la tendance de leur parti. Il existait autant d’interprétations que de supports. Le plus souvent, aucun des rédacteurs n’avait vécu l’évènement : chacun se contentait des télex adressés par les agences de presse. On confondait journaliste et commentateur. Les trop nombreuses prises de position plaidaient en faveur d’une pluralité des sources mais cet argument perdit du poids à son tour : il y avait ressassement, affadissement et non plus diversité. L’information était banalisée au point d’être dévaluée, répétée en boucle à l’image d’un matraquage publicitaire, jusqu’à diluer les événements en une bouillie d’informations qui accompagnait l’individu tout au long de sa journée. Où était la noblesse du métier de journaliste ? Les nouvelles n’étaient qu’une toile de fond pour les médias, un espace d’animation dont on ne percevait plus très bien le rapport avec le réel. Il était temps de revaloriser l’information et ceux qui la faisaient. Il était temps de payer des droits d’auteur à ceux qui se mouillaient réellement pour raconter ce qui se passait à travers le monde.

Dans un commentaire de la décision rendue à propos de Morandini, on peut lire ceci : “Même sur Internet, le journaliste se doit d’aller chercher lui-même l’information !”. Vous voyez donc que l’on n’est plus très loin de l’histoire imaginée par Claude Ecken.

Eye of the Holder - Photo CC by familymwr retouchée par Owni

JO 2012 © : cauchemar cyberpunk

JO 2012 © : cauchemar cyberpunk

Dans la littérature cyberpunk, de grandes firmes ont supplanté l'État, qui leur a octroyé des pouvoirs exorbitants. Ce ...

Information wants to be free… c’était le rêve qu’avait fait la génération qui a assisté à la mise en place d’internet, puis du web, et ce rêve était beau. Mais la puissance de la pulsion appropriatrice est si forte que c’est une dystopie imaginée par la science-fiction qui est en train de devenir réalité, à la place de l’utopie d’une information libre et fluide. Avec l’information brute, c’est la réalité elle-même que l’on rend appropriable, ce qui rappelle également les dérives dramatiques que l’on avait pu constater lors des derniers Jeux Olympiques de Londres, à l’occasion desquels les autorités olympiques avaient défendu leurs droits exclusifs sur l’évènement avec une férocité alarmante.

Il existe pourtant une autre façon de concevoir les choses, à condition de quitter le prisme déformant des droits exclusifs. Au début de la polémique sur la Lex Google, j’avais en effet essayé de montrer que l’on peut appliquer le système de la légalisation du partage non-marchand aux contenus de presse et que si on le couple à la mise en place d’une contribution créative, il pourrait même assurer aux éditeurs et aux journalistes des revenus substantiels tout en garantissant la circulation de l’information et la liberté de référencer.

L’information veut être libre, mais il nous reste à le vouloir aussi.


“Without a Face, a portrait of the Soul”Photo CC [by] familymwr ; “paranoia”Photo CC [byncsa] perhapsiam ; “Eye of the Holder” – Photo CC [by] familymwr, retouchée par Owni.
Image de une : “La Gioconda avec Paper Bag”Photo CC [bync] Otto Magus.

]]>
http://owni.fr/2012/11/22/le-prix-de-l-information/feed/ 13
Fashion victim du copyright http://owni.fr/2012/10/24/fashion-victim-du-copyright/ http://owni.fr/2012/10/24/fashion-victim-du-copyright/#comments Wed, 24 Oct 2012 16:45:20 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=123974

Georges Hobeika, Haute Couture Spring Summer 2010 (cc) Ammar Abd Rabbo

Les lecteurs de Lovecraft le savent bien, ils se passent des choses étranges dans les angles

Avec le droit d’auteur, c’est la même chose : il existe une certain nombre d’angles morts, dans lesquels il perd son efficacité et où il se passe effectivement des choses intéressantes à observer, qui prouvent souvent que la création peut se réguler d’une autre manière.

Un de ces angles morts est en ce moment sérieusement remis en question aux États-Unis : il s’agit du secteur que la mode.

À la mode US

Il faut en effet savoir que la mode, y compris dans ses aspects les plus créatifs et innovants, comme la haute couture, ne peut bénéficier de la protection du copyright de l’autre côté de l’Atlantique. Le droit américain contient une particularité voulant que les “articles utiles” (useful articles) ne peuvent en principe être protégés par le biais du droit d’auteur. La jurisprudence a déjà appliqué cette règle à des objets tels que des lampes, des lavabos, des écrans d’ordinateurs, mais aussi aux vêtements. Les juges du pays de l’Oncle Sam considèrent en effet que la fonction utilitaire des habits sur-détermine en général leurs formes, au point de primer sur leur dimension esthétique :

Le modèle qui a servi à fabriquer une jupe ou un manteau peut être copyrighté, car il possède une existence propre par rapport à la fonction utilitaire du vêtement. Cependant, on ne peut revendiquer un copyright sur la coupe d’un habit, ou sur la forme en elle-même d’une jupe ou d’un manteau, car ces articles sont utilitaires.

Ce raisonnement est appliqué aux simples vêtements, aux déguisements, mais aussi aux articles de haute couture, qui jusqu’à présent échappait à l’emprise du copyright. Les professionnels du secteur exercent cependant depuis plusieurs mois une action de lobbying en direction du législateur américain, afin qu’il revienne sur cette distinction et incorpore la mode parmi les objets pouvant faire l’objet d’une protection.

C’est déjà le cas en France, où la distinction entre les oeuvres utilitaires et les oeuvres artistiques est inconnue, en vertu de la théorie dite de “l’unité de l’art”. Le Code de Propriété Intellectuelle, même s’il emploie des termes un peu surannés, indique explicitement que les articles de modes entrent bien dans le champ du droit d’auteur :

Sont considérés notamment comme oeuvres de l’esprit au sens du présent code : [...] Les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l’habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement.

Aux Etats-Unis, le Sénateur Chuck Schumer a fait siennes les revendications du secteur de la mode et il porte une projet de loi qui sera prochainement examiné par le Sénat et la Chambre des Représentants. Les professionnels de la haute couture ont mis en avant le fait que les contrefaçons d’articles de mode étaient de plus en plus fréquents, à l’heure où les images circulent facilement sur Internet et peuvent donner lieu à des copies réalisées à bas prix dans les pays émergents. Les imitations de tenues portées par des stars seraient ainsi devenues monnaie courante, mais pour l’instant la pratique est légale.

Pourtant, bon nombre d’analystes ont fait remarquer que la mode s’accommodait jusqu’à présent fort bien de cette absence de protection par le droit d’auteur. D’abord parce la loi américaine prévoit d’autres moyens de protection comme le droit des marques ou l’équivalent de nos dessins et modèles. Mais aussi parce que la mode est un domaine où la copie et l’imitation ont fini par être admis comme une pratique acceptable par les créateurs eux-mêmes et constituent un des moteurs même de la création.

Johanna Blakkley avait donné à ce sujet une excellente conférence TED où elle montrait que la mode constituait un secteur hautement innovant, qui a trouvé d’autres manières de se réguler que la protection par le droit d’auteur. Pour pouvoir se démarquer de ses semblables, chaque créateur est fortement incité à faire preuve d’originalité et à explorer de nouvelles voies, tout en pouvant puiser dans les créations antérieures afin de les améliorer.

On est en réalité avec la mode aux antipodes de la guerre absurde que se livrent à coups de brevets les fabricants de téléphones ou de tablettes, où la moindre ressemblance entre des produits  offre prise aux attaques en justice des concurrents et où les articles finissent par être autant conçus par des avocats que par des designers !

Voir aussi : le Storify regroupant ces “angles morts” du droit d’auteur de manière plus détaillée.

C’est justement cette dynamique de la création par la copie que la réforme poussée par le sénateur Schumer pourrait interrompre et il sera important de suivre les suites pour voir si cet angle mort du droit d’auteur subsiste ou disparaît.

Angles morts

Pour autant, ce phénomène de “tâche aveugle” du droit d’auteur n’est pas confiné au secteur de la mode. Il existe en réalité pour un nombre relativement important de secteurs, présentant des analogies plus ou moins marquées avec la haute couture. Contrairement à ce que l’on pourrait penser plusieurs champs de la création sont situés en dehors de la sphère du droit d’auteur, mais cela ne les empêchent pas en général d’être fortement innovants. C’est la thèse défendue par exemple dans la vidéo ci-dessous qui fait le parallèle entre la mode, la cuisine, le football américain et… Steve Jobs !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Casques de Stormtrooper

La question que l’on peut se poser est de savoir s’il ne faudrait pas étendre l’application de la distinction entre les oeuvres utiles et les oeuvres artistiques, pour appliquer aux premières des règles différentes et plus ouvertes. C’est une idée que défend par exemple Richard Stalmann depuis longtemps, estimant que les oeuvres utilitaires, comme les logiciels, mais aussi les manuels, les encyclopédies, les dictionnaires, les livres de cuisine, devraient par défaut être placés sous un régime correspondant aux quatre libertés du logiciel libre.

Récemment une affaire intéressante a montré que la distinction oeuvre utile/oeuvre artistique est susceptible de produire des effets assez puissants. C’est sur cette base en effet que George Lucas a perdu en Angleterre un procès retentissant  à propos à propos des casques de Stormtrooper. La loi anglaise ne protège en effet les objets tridimensionnels que dans la mesure où ils correspondent à des “sculptures” ou à des “objets d’artisanat d’art”. Les juges ont estimé que les casques de Stormtrooper servaient avant tout d’accessoires dans un film et que cette fonction utilitaire ne leur permettait pas d’être considérés comme des sculptures. Du coup, ces objets, au look pourtant célébrissime, sont dans le domaine public en Angleterre ! N’importe qui peut les copier et même les vendre.

Il y a quelques jours, une autre affaire faisait également songer à cette distinction entre les oeuvres utiles et les oeuvres artistiques. Apple a en effet été accusé par la compagnie des trains suisses d’avoir piraté son modèle de montre pour réaliser celle de l’iOS 6. Cette montre, qui est exploitée sous licence par la marque Mondaine présente pourtant un design très “basique” : ronde, traits noirs sur fond blanc, avec une aiguille rouge pour les secondes, terminée par un rond.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

L’affaire n’est pas allée jusque devant les tribunaux, puisque Apple a pris une licence pour pouvoir utiliser cette forme de montre dans ses applications. Mais on peut quand même se poser la question de savoir s’il est bien raisonnable d’accorder une protection à une création aussi “simple”, quand bien même elle a acquis une notoriété certaine. En effet, admettre qu’un tel motif puisse être protégé par le droit d’auteur n’est-ce pas ouvrir la porte à ce que la forme même de la montre puisse un jour être accaparée par une firme ? Apple revendique déjà quasiment un monopole sur le rectangle  dans le procès qui l’oppose à Samsung dans la guerre des tablettes ? Faudra-t-il laisser Mondaine ou une autre firme revendiquer des droits sur le cercle ? Et à qui le triangle ensuite !

Repenser le statut de l’utile

Pour éviter ce type de dérives, l’introduction de la distinction entre les œuvres utiles et les œuvres artistiques pourrait être intéressante, même si elle ne correspond pas à la tradition française du droit d’auteur. Elle permettrait que les caractéristiques fonctionnelles d’un objet  restent ouvertes et puissent être librement reproduites, laissant ainsi ces “briques de base” de la création disponibles, comme un fond commun dans lequel chacun peut venir puiser pour innover.

Ce raisonnement existe déjà en filigrane dans le droit. C’est sur cette base notamment, par exemple, que les briques Lego ont fini par perdre leur protection par le droit d’auteur, les juges estimant que leur forme n’est pas réellement détachable de leur fonction.

La question est sans doute moins anecdotique qu’il n’y paraît. Avec le développement de l’impression 3D, de nouvelles questions épineuses vont surgir, et se posent déjà, à propos de la protection à accorder à la forme des objets. Si l’on veut que cette nouvelle technologie donne la pleine mesure de ses promesses, il serait sans doute judicieux de militer pour, qu’à l’image de la mode aux Etats-Unis, les articles utiles restent au maximum dans l’angle mort du droit d’auteur.


Photo par Ammar Abd Rabbo via sa galerie flickr [CC-byncsa]

]]>
http://owni.fr/2012/10/24/fashion-victim-du-copyright/feed/ 7
CETA craindre http://owni.fr/2012/10/15/ceta-craindre/ http://owni.fr/2012/10/15/ceta-craindre/#comments Mon, 15 Oct 2012 14:12:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=122614

En juillet dernier, lorsque le Canadien Michael Geist, professeur de droit engagé en faveur des libertés numériques, a alerté sur le danger de CETA ce traité commercial Canada-UE potentiellement cheval de Troie d’ACTA, l’accord commercial fraîchement rejeté par le Parlement européen, certains ont tempéré : le texte fuité date de février, il n’est plus d’actualité, les lobbies ont échoué dans leur tentative d’imposer leur vision maximaliste de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur.

Trois mois après, alors qu’un treizième round de négociations s’engage ce lundi, le scepticisme a fait place à l’inquiétude. Le Canada-European Union Trade Agreement (le CETA en question, donc), est en phase finale et l’embryon du brouillon laisserait augurer d’une sale bestiole.

Avant de poursuivre, arrêtons-nous un instant sur le terme “cheval de Troie” d’ACTA : on a pu croire que le document avait été mitonné exprès, devant la défaite annoncée du traité anti-contrefaçon. En réalité, la discussion a été entamée en 2009, dans un contexte général de libéralisation des échanges et de crispation des lobbies culturels, incapables de s’adapter aux mutations des usages engendrées par l’Internet.

Si CETA est venu sur le devant de la scène en plein ennui estival, c’est que la partie concernant la propriété intellectuelle et le droit d’auteur a fuité, “de façon opportune”, signale Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net (LQDN) et emblématique figure du combat contre ACTA. Un lobbyiste au taquet qui nous a redit ce que l’association martèle depuis cet été :

CETA, c’est comme ACTA.

Dubitatif naguère, le fondateur du Parti Pirate, le Suédois Rick Falkvinge tient désormais la même ligne :

Il apparait maintenant évident que les maux d’ACTA se retrouvent aussi pour l’essentiel dans CETA.

Il est donc devenu clair que les négociateurs essayent bien de passer outre les parlements en faisant leurs propres règles, un procédé qui est à la fois anti-démocratique et méprisable.

Les “maux” redoutés de nouveau, ce sont entre autres les atteintes aux libertés numériques, avec une plus grande responsabilisation des intermédiaires techniques qui porterait atteinte à la neutralité du Net, et un accès plus difficile et coûteux au médicaments. Avec, là encore, la possibilité de sanctions pénales pour les citoyens qui enfreindraient les dispositions. “Le texte parle ‘d’échelle commerciale’, c’est trop large alors qu’il faut considérer l’intention, si la personne agit avec un but lucratif ou non”, s’énerve Jérémie Zimmermann.

La Commission européenne rassurante

Après avoir refusé de communiquer au sujet de la fuite, la Commission européenne est finalement sortie du bois, pour démentir les accusations, et sans pour autant révéler le contenu entier de l’accord. Pour l’instant, il est entre les mains des négociateurs, de ce côté-ci la Commission européenne et la présidence de l’UE, assurée par Chypre, qui sont libres de le partager. Ou pas.

Sa position ? Les États-membres sont seuls décisionnaires sur le volet pénal, souveraineté oblige, elle ne peut que leur conseiller de ne pas appliquer les sanctions. Ce qui fait hurler la Quadrature, pour qui de toute façon “des sanctions pénales n’ont rien à voir dans un accord commercial.”

L’enjeu dans les jours qui viennent est donc de sensibiliser la tripotée de ministères concernés, Fleur Pellerin (PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique), Pierre Moscovici (Économie et des Finances), Aurélie Filippetti (Culture et de la Communication), Bernard Cazeneuve (Affaires européennes), Laurent Fabius (Affaires étrangères) et Nicole Bricq (Commerce extérieur). Ils ont reçu la semaine dernière une lettre ouverte les appelant à “protéger nos libertés”.

Dossier en dessous de la pile ou petit mensonge du lundi matin, le cabinet de Fleur Pellerin nous a répondu :

Nous ne sommes pas au courant. Je pense qu’on ne l’a même pas reçu.

Pour mémoire, les eurodéputés socialistes avaient voté contre ACTA et faute d’être bien informé, le gouvernement actuel pourrait se retrouver en porte-à-faux vis à vis de la position de ses homologues du dessus.

Tabernacle

Outre-Atlantique, les opposants sont mobilisés depuis bien plus longtemps contre CETA et mettent l’accent sur les particularités du Canada. Le gouvernement conservateur est favorable à l’accord, soucieux de la balance commerciale du pays, comme a rappelé Claude Vaillancourt, président d’ATTAC Québec dans une tribune :

Le négociateur a répété une fois de plus l’importance de conclure rapidement l’AÉCG (CETA en français, ndlr) [...]. Puisque nos exportations aux États-Unis diminuent, il faut chercher de nouveaux marchés. Pourtant, nous sommes bel et bien liés par un accord de libre-échange avec ce pays, mais celui-ci ne donne plus les résultats attendus. Pourquoi dans ce cas un accord avec l’Europe serait-il tellement avantageux ? [...]

Les relations commerciales entre le Canada et l’Europe sont déjà excellentes et en progression. Ce qui a d’ailleurs été confirmé dans une étude conjointe, commandée par le Canada et l’Europe avant les négociations.

Ils craignent aussi que des dispositions de l’ALENA, l’accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ne soient reproduites. Elles permettraient “de poursuivre des gouvernements par l’intermédiaire de tribunaux d’experts au fonctionnement non transparent”, met en garde Claude Vaillancourt. Et la possibilité d’ouvrir des marchés publics aux entreprises européennes fait redouter des services publics de moindre qualité.

Dans la ligne de mire du lobbying anti-CETA, les provinces, comme nous l’a détaillé Stuart Trew de Council of Canadians, une association militante citoyenne née lors des négociations de l’ALENA : “Les provinces ont un rôle important à jouer, similaire à celui des États-membres. Si le gouvernement fédéral a le dernier mot, elles ont toutefois un veto symbolique. Elles peuvent décider de ne pas le mettre en place. Ils font donc leur faire prendre conscience des dangers, car nous ne pensons plus pouvoir changer l’opinion du gouvernement.”

Optimisme #oupas

Le calendrier est serré, avec un vote au Parlement envisageable “dans les trois à six mois”, estime Jérémie Zimmermann. Guérilla de longue haleine, ACTA avait laissé ses adversaires victorieux mais épuisés. Un travail de lobbying qui porte ses fruits sur ce nouveau front : longs à la détente, les médias grand public sont désormais plus prompts à traiter ce sujet peu seyant, jargon numérico-juridico-institutionnel oblige. De même, le précédent dans l’engagement citoyen rassure. OpenMedia, une association canadienne militant pour un Internet ouvert, se montre optimiste,  évoquant l’évolution de la position sur le copyright :

Il y a des signes forts que l’engagement citoyen a un impact. La poussée contre ACTA venue de la communauté de l’Internet libre a mené à son rejet. [...] et Michael Geist a suggéré la semaine dernière qu’une pression continue mène les négociateurs à revoir l’inclusion des clauses d’ACTA sur le copyright dans CETA.

Rick Falvinge estime que la Commission européenne aura à cœur de ne pas commettre la même erreur :

Après la défaite d’ACTA au Parlement européen, la Commission serait sage d’écouter, à moins qu’elle ne souhaite une autre défaite humiliante.

Au final, c’est le Parlement qui la nomme. Un Parlement trop mécontent n’est pas souhaitable pour la Commission.

En dépit du compromis trouvé sur le copyright, Michael Geist nous a, au contraire, fait part de son pessimisme :

Le caractère secret de CETA  est un énorme problème et je crains que le gouvernement canadien cèdera à la pression de l’UE, simplement pour conclure un accord.

Et si les parties restent sur leurs positions, les opposants ont une carte dans leur manche aux relents de camembert bien de chez nous : les appellations géographiques sont en effet un enjeu majeur à régler, source potentiel de conflit avec les agriculteurs. Elles protègent des produits selon des critères plus ou moins stricts. Et l’UE tient à ses Appellations d’origine contrôlée. Sur ce point, il y a a priori désaccord :

L’Europe recherche fréquemment un changement du droit aux frontières et des droits étendus pour les appellations et la plupart des pays y sont opposés.

Des agriculteurs en colère, une perspective plus à même de réveiller les politiques français qu’une lettre ouverte. Mais il va falloir mettre vite les tracteurs dans la rue : les ministres des gouvernements entreront dans la danse en novembre.


Illustrations et couverture par Hiking Artist [CC-by-nc-nd]

]]>
http://owni.fr/2012/10/15/ceta-craindre/feed/ 10
Une culture, mais à titre exceptionnel http://owni.fr/2012/10/15/une-culture-mais-a-titre-exceptionnel/ http://owni.fr/2012/10/15/une-culture-mais-a-titre-exceptionnel/#comments Mon, 15 Oct 2012 12:45:54 +0000 Laurent Chemla http://owni.fr/?p=122654 Exception Culturelle il sort son pistolet. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Laurent Chemla n'a pas la plume dans sa poche et qu'il a des propositions plutôt radicales pour illuminer l'avenir.]]>

Art by Banksy

Il y a des idées, comme ça, qui deviennent des dogmes sans qu’on sache très bien pourquoi. A force de les entendre répéter comme des évidences, plus personne n’a même l’idée de les remettre en question.

Il en va ainsi de notre très chère Exception Culturelle.

Mise en place dès après la seconde guerre mondiale, dans un autre temps – presque un autre monde – pour garantir la survie de la culture nationale face à la menace du méchant impérialisme américain, cette restriction au principe intangible de la concurence-libre-et-non-faussée perdure dans un espace devenu mondialisé, dans un cadre de moins en moins national mais de plus en plus européen, au seul profit d’une industrie qui – elle – a très bien su devenir multinationale.

Notre industrie culturelle y a gagné. Notre culture, quant à elle, a gentiment été glissée sous le tapis. Est-il permis de douter de l’intérêt de déverser des tombereaux d’argent public dans les poches profondes de nos ayants droit expatriés sans passer illico pour un ultra-libéral qui souhaite la mort du pauvre chansonnier bien de chez nous ?

Osons. Ces jours-ci on mange de l’exception culturelle à toutes les sauces.

Open Data

L’ouverture des données publiques culturelles existe à peu près partout. Ma mémoire de vieux con me fait souvenir qu’un des tout premiers sites web fut celui de la bibliothèque du Congrès américain. A l’époque en France c’était un étudiant qui proposait des images de tableaux du Louvre numérisés, mais pour des raisons juridiques il avait dû changer le nom de son site. Déjà aux origines du réseau on pouvait voir à l’oeuvre notre volonté de mieux diffuser notre culture. Et aujourd’hui ?

L’université de Yale a récemment placé 250 000 images issues de sa collection privée dans le domaine public. La vieille bibliothèque du Congrès a mis en ligne un “jukebox” de plus de 10 000 enregistrements audio réalisés entre 1901 et 1925 (avec l’accord de Sony Music). L’Europe a suivi avec Europeana en rendant libres toutes les métadonnées qu’elle publie.

Et en France ?

En France, la ministre de la Culture vient de répondre à la question que les données publiques culturelles sont exclues de la politique de l’Open Data, au nom de leur potentiel économique. Et de l’exception culturelle. Diversité culturelle ? Meilleure diffusion de la culture nationale ? No way les gars: il y a du fric en jeu, contentez-vous de la culture américaine.

Fiscalité

Nos grandes fortunes nationales sont expertes au jeu de la niche fiscale, et quoi de mieux que de placer son argent dans l’art, puisque celui-ci ne semble jamais connaître la crise ? Cherchant à équilibrer ses finances, la nouvelle assemblée a voulu que l’impôt sur la fortune soit élargi au patrimoine artistique. Pas celui dont tu disposes, ami lecteur : il n’était question de ne tenir compte que des oeuvres estimées à plus de 5 000 euros.

Que nenni ! Malgré un amendement portant la limite à 50 000 euros, c’est le gouvernement qui s’y oppose. Et pourquoi ? Et notre ministre de répondre: “au nom de l’exception culturelle”, bien sûr. Imaginez que nos oeuvres nationales fuient à l’étranger pour échapper à l’impôt, ce serait risquer une bien trop large diffusion de notre culture. Oh. Wait.

Cinéma

Le budget du Centre National du Cinéma a été sous les feux de l’actualité : grâce à une taxe sur nos FAI, il est passé d’environ 500 millions par an à près de 800 millions. Ça fait jaser, d’autant que la commission européenne doit toujours rendre son verdict quant à la légalité de cette taxe. Alors faut-il le limiter, ou bien le reverser à l’État qui redistribuera la cagnotte en fonction des besoins réels du cinéma ? “Mais vous êtes fous” nous dit le président du Machin !

Extrait de Playtime de Jacques Tati

Si l’Europe s’oppose à notre taxe à nous qu’on a, c’est qu’elle n’a rien compris à l’exception culturelle. Oh bien sûr on a jamais été autant au cinéma que ces dernières années et le secteur se porte à merveille, mais on ne sait jamais, il vaut mieux conserver la cagnotte. Pas question de se contenter d’être en bonne santé si on peut en plus être riches.

Mais alors que faire si Bruxelles – comme on s’y attend – s’oppose finalement à cette taxe ? Facile ! Si on ne peut plus taxer les FAI sur leur offre triple-play, alors on taxera sans discrimination tous les accès à Internet, mobile comme fixe. Et tant pis si la Cour des Comptes pense que ce financement n’est “pas fondé sur des évaluations convaincantes de la place que les télécoms occupent dans la filière audiovisuelle”.

Ce qui compte, ce n’est pas la justice, c’est l’exception culturelle. Que serait en effet notre culture si on cessait de financer près d’un film par jour et par an ? Euh…

Et bientôt

Bientôt on nous vendra Hadopi comme protecteur de l’exception culturelle, la fusion CSA/Arcep comme seule garante de notre culture exceptionnelle, le DPI nous sera imposé pour garantir un pourcentage minimal de “culture” française par foyer accédant à YouTube et le domaine public sera taxé pour soutenir les artistes français morts. J’en fais ici le pari.

Osons encore.

Ne pourrait-on pas, je ne sais pas, envisager de conserver les mêmes modes de financement (qui ont fait leurs preuves) sans pour autant verser dans l’excès ? Sans pour autant imposer des quotas “exceptionnels” à des télévisions qui font face à la disparition d’une chronologie des médias mise à mal par l’existence même d’Internet et à la future concurrence des géants américains via la fameuse “télé connectée” ?

Je lis que cet ecosystème permet de financer 340 000 emplois. Excellent, mais alors on ne parle plus de défendre la culture, mais simplement les emplois. Si les mêmes étaient payés pour tourner des films en anglais (après tout pourquoi pas), que deviendrait cet argument ? Où serait passée notre si précaire culture ?

La musique alors ? Laissez-moi rire et relisez une des dernières interviews de Jean Ferrat pour rire avec moi. De nos jours je n’arrive que rarement à savoir dans quelle langue chantent nos stars hexagonales, qui comme tout le monde cherchent à exporter pour vendre d’avantage.

Qu’on me comprenne bien : dans un espace sans frontières tel qu’Internet, le principe de la défense de la diversité culturelle est forcément quelque chose d’important, et que je défends. Simplement j’ai du mal à voir en quoi, aujourd’hui, nos lois défendent autre chose que les poches de multinationales “majors” et de quelques rares artistes apatrides.

Dans une autre vie, à la lointaine époque des premiers procès contre les fournisseurs d’accès au nom de la lutte contre le racisme, j’avais défendu – face à la Licra – que la meilleure méthode pour lutter contre les premiers sites négationnistes était de s’impliquer davantage sur le réseau pour diffuser l’histoire et la culture. La volonté de pouvoir censurer me semblait déjà dangereuse pour la liberté d’expression (pas celle des Faurissons et assimilés, mais celle de toute la population).

Jean Ferrat vu par La demeure du chaos (cc)

Aujourd’hui je crois qu’il faut faire la même chose pour la culture. Plutôt que d’essayer à toute force de recréer des frontières disparues, et si l’objectif est réellement de promouvoir la diversité culturelle, alors il me semble que l’urgence n’est pas de persister dans des modèles établis au siècle dernier mais de revoir de fond en comble la façon dont le droit d’auteur est protégé.

Comment mieux favoriser la diffusion d’une culture qu’en garantissant le libre partage des oeuvres du domaine public (et surtout pas d’autoriser M.  Rogard à le soumettre à une redevance), en abaissant la durée de protection des oeuvres après la mort de leur auteur, et en libéralisant le partage non marchand du patrimoine qu’on souhaite promouvoir ? Qui aujourd’hui est coupable de créer des oeuvres orphelines, sinon nos ayants droit qui cherchent quel qu’en soit le prix social à protéger leurs rentes en recréant un droit d’auteur là où il avait disparu – au seul motif de l’application d’un procédé technique ?

La notion d’exception culturelle est née du constat que la culture d’un pays risquait de disparaître au profit de celle des pays plus puissants si aucun frein à l’importation n’était possible. C’est la définition originelle, et qui fut confirmée lors de l’Uruguay Round. Sa version française a imposé, en plus, des quotas de diffusion d’oeuvres françaises et européennes aux radios et télévisions.

Outre qu’avec l’avènement d’Internet il devient plus qu’illusoire de fermer nos frontières à la diffusion des cultures étrangères sur le territoire national, jamais, jamais il n’a été question ni d’empêcher nos oeuvres de sortir du territoire, ni d’en limiter la diffusion à l’extérieur pour protéger des intérêts privés. Or c’est semble-t-il ces aspects là qui ressortent des discours actuels que je pointe plus haut. La cause première est caduque, la dérive est patente, une fois encore on invente des principes sortis du néant pour protéger des lobbies du passé.

Si notre culture mérite une exception, alors que celle-ci soit appliquée au régime – devenu démentiel – du droit d’auteur plutôt qu’en en faisant une arme limitant au maximum sa diffusion au public. Ce ne serait que du bon sens et un juste retour à sa justification première.

Osons.


Laurent Chemla est le co-fondateur de Gandi et auteur des Confessions d’un voleur. Il publie une chronique régulière sur Owni.
Photos sous licences Creative Commons ; tableau de Banksy au Musée de Bristol par Jordi Martorell ; Extrait de Playtime de Jacques Tati par Stewf ; Jean Ferrat vu par la demeure du chaos (Abode of Chaos)

]]>
http://owni.fr/2012/10/15/une-culture-mais-a-titre-exceptionnel/feed/ 20
Le secret démasqué de Gangnam Style http://owni.fr/2012/10/05/gangnam-style-nest-pas-a-cheval-sur-le-droit-dauteur/ http://owni.fr/2012/10/05/gangnam-style-nest-pas-a-cheval-sur-le-droit-dauteur/#comments Fri, 05 Oct 2012 11:14:20 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=121638 Cliquer ici pour voir la vidéo.

Avec le clip vidéo déjanté de sa chanson Gangnam Style, le rappeur coréen PSY a explosé tous les records, en devenant la vidéo la plus “aimée” de l’histoire sur YouTube : plus de 350 millions de vues en l’espace seulement de quelques mois !

Ce succès fulgurant s’explique en grande partie par le nombre incroyable de parodies qui ont été postées en ligne par le public, reprenant à toutes les sauces la fameuse “danse du cheval” popularisée par le clip. Un nouveau mème est né et il est impressionnant de voir la masse de reprises/détournements/remix que cette vidéo génère partout dans le monde. Il existe même déjà une page – Wikipédia Gangnam Style in Popular Culture – attestant de l’engouement planétaire pour la nouvelle star de la Kpop.

Cette synergie qui s’est mise en place entre cette vidéo et les contributions du public est déjà en elle-même fort instructive sur les nouveaux types de rapports que les créateurs de contenus peuvent entretenir avec les internautes. Mais l’attractivité irrésistible de la danse du cheval de PSY n’explique pas tout. Un des secrets du succès de Gangnam Style est aussi de ne pas avoir été à cheval… sur le droit d’auteur !

Abandon de copyright ?

Il semblerait que dans une interview, PSY ait déclaré qu’il avait abandonné son copyright, de manière à ce que n’importe qui puisse reprendre sa musique et sa vidéo de la manière dont il le souhaite. Cette hypothèse est reprise par le site australien TheVine, où le journaliste Tim Byron analyse les raisons culturelles du phénomène.

Comme le remarque le site Techdirt, il est assez improbable que PSY ou son label YG Entertainement aient réellement “abandonné leur copyright” sur le morceau ou sur le clip. Un tel renoncement est juridiquement possible, notamment en employant un instrument comme Creative Commons Zéro (CC0), qui permet aux titulaires de droits sur une œuvre d’exprimer leur intention de verser par anticipation leur création dans le domaine public.

Certains artistes ont déjà choisi ce procédé pour diffuser leur production : le rappeur anglais Dan Bull, par exemple a récemment obtenu un beau succès dans les charts anglais avec son morceau Sharing Is Caring, placé sous CC0 et popularisé par le biais d’une habile promotion multi-canaux (diffusion volontaire sur les réseaux de P2P, propagation sur les réseaux sociaux et sur YouTube, vente sur iTunes et Amazon Music, etc).

Extrait de la vidéo Gangnam style

Ce qui s’est passé avec Gangnam Style est différent : PSY et son label n’ont pas formellement abandonné leur copyright, mais ils ont plutôt choisi de ne pas exercer leurs droits, pour laisser la vidéo se propager et être reprise sous forme de remix, sans s’y opposer. C’est ce qu’explique Mike Masnick sur Techdirt :

Je ne sais pas si PSY ou son label ont fait quoi que ce soit explicitement pour abandonner leurs droits sur Gangnam Style, mais il est clair qu’ils ont été parfaitement heureux que des masses de personnes réalisent leurs propres versions du clip, modifient la vidéo et bien plus encore. Chacune de ces réutilisations a contribué à attirer plus encore l’attention sur le morceau original, en l’aidant à percer.

Donc, même s’il n’est pas tout à fait vrai que PSY ait abandonné ses droits sur la chanson ou la vidéo, qui peut honnêtement soutenir que le droit d’auteur ait quoi que ce soit à voir avec le phénomène culturel qu’est devenu Gangnam Style ? En vérité, c’est parce que tout le monde a choisi d’ignorer le droit d’auteur qu’un tel succès a pu devenir réalité. Une large proportion des œuvres dérivées qui ont été réalisées à partir de la vidéo ne respectent certainement pas le droit d’auteur. Et pourtant chacune de ces “violations” a probablement aidé PSY. On ne peut pas trouver un seul cas où cela lui ait causé un préjudice.

Sortir la création de la mélasse

« Le droit d’auteur, c’est de la mélasse !». Le cas de Gangnam Style illustre parfaitement cette comparaison faite par le juriste américain Lawrence Lessig :

Pensez aux choses étonnantes que votre enfant pourrait faire avec les technologies numériques – le film, la musique, la page web, le blog […] Pensez à toutes ces choses créatives, et ensuite imaginez de la mélasse froide versée dans les machines. C’est ce que tout régime qui requiert la permission produit.

En effet, si l’on s’en tient à la lettre du droit d’auteur, toutes les personnes qui ont réutilisé la musique ou la vidéo de Gangnam Style auraient dû adresser une demande en bonne et due forme, afin d’obtenir leur autorisation préalable. Même dans un monde idéal où des organismes de gestion collective seraient à même de gérer efficacement ce type d’autorisations, une telle charge procédurale serait ingérable pour un succès viral explosif comme celui qu’a connu Gangnam Style.

Ajoutons que ce n’est pas seulement pour la musique ou la vidéo que des autorisations sont requises. Le simple fait de mimer la fameuse “danse du cheval” peut déjà être considéré comme une violation du droit d’auteur, car les chorégraphies originales sont considérées comme des œuvres protégées. Beyoncé l’avait d’ailleurs appris à ses dépends l’année dernière, lorsqu’elle avait été accusée de plagiat par la chorégraphe belge, Anne Teresa De Keersmaeker, pour avoir repris quelques pas de danse dans le clip du morceau Countdown.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Bien sûr, il existe des mécanismes comme le fair use (usage équitable) aux Etats-Unis ou l’exception de parodie ou de pastiche chez nous, qui permettent théoriquement de créer à partir d’une œuvre préexistante, sans avoir à demander d’autorisation. Mais l’applicabilité de ces dispositifs à des reprises sous forme de remix ou de détournements est plus qu’aléatoire et nul doute que PSY ou son label auraient pu agir en justice contre leurs fans, s’ils avaient tenu à faire respecter leurs droits.

Le rôle central de YouTube

Il semble clair que ni PSY, ni YP Entertainement n’ont réellement “abandonné” leurs droits. Ils n’ont pas non plus utilisé une licence libre, type Creative Commons pour indiquer a priori qu’ils autorisaient les réutilisations de l’oeuvre (possibilité pourtant offerte par YouTube).

Ce qui explique en réalité la “neutralisation” du droit d’auteur qui a joué ici, ce sont sans doute les règles particulières instaurées par YouTube pour organiser la diffusion des contenus. La plateforme possédée par Google propose en effet un “deal” avec les titulaires de droits, qui leur offre une alternative à l’application pure et simple du droit d’auteur.

Par le biais du système  d’identification Content ID, YouTube est en effet en mesure de repérer automatiquement les contenus protégés que des utilisateurs chargeraient sur la plateforme. Il peut alors bloquer la diffusion de ces contenus et sanctionner les utilisateurs les ayant postés, par le biais d’un système d’avertissements en trois étapes avant la fermeture du compte, qui n’est pas si éloigné d’une riposte graduée.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais YouTube propose en réalité un choix aux titulaires de droits, vis-à-vis de Content ID : soient ils décident d’appliquer le droit à la lettre et demandent que les contenus diffusés sans leur autorisation soient retirés automatiquement par les robots de Google ; soient ils acceptent que ces contenus restent en place, en contrepartie d’une rémunération perçue sur la base d’une redistribution des revenus publicitaires générés par YouTube.

C’est vraisemblablement ce qui s’est passé avec Gangnam Style. PSY et son label n’ont pas abandonné leurs droits d’auteur, mais ils ont sans doute tout simplement accepté l’offre de monétisation proposée par YouTube. Du coup, les multiples rediffusions et reprises de la vidéo ont pu échapper aux filtres automatisés de Google, participant à la propagation virale du titre. Et avec des millions de visiteurs, nul doute que cette vidéo a dû rapporter des sommes confortables à ses créateurs.

Économie du partage

Le succès phénoménal de Gangnam Style s’ajoute à ceux d’une année 2012 qui a été marquée par d’autres réussites ayant commencé par une diffusion virale sur YouTube. Le morceau Call Me Maybye de Carly Rae Jepsen s’était déjà ouvert la voie des sommets des charts en suscitant l’adhésion des fans sur la plateforme (plus de 280 millions de vues). La même chose s’est également produite pour le titre Somebody That I Used To Know de Gotye et l’artiste avait tenu à rendre hommage aux internautes qui l’avaient aidé à percer, en publiant sur YouTube un remix à partir des innombrables reprises réalisées par des amateurs.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La musique n’est pas le seul secteur où ces effets de synergie se manifestent. Si l’on y réfléchit bien, le succès de la série Bref de Canal+ s’explique aussi en partie par les nombreuses vidéos parodiques réalisées sur tout et n’importe quoi à partir du canevas proposé par la série.

En 2010, la demande brutale de retrait des parodies du film La Chute était apparue comme un des symboles des crispations provoquées par l’antagonisme entre la logique du droit d’auteur et les nouvelles possibilités d’expression offertes par les médias sociaux. Peut-être le succès de Gangnam en 2012 marque-t-il l’ouverture d’une nouvelle phase, où les titulaires de droits sauront davantage utiliser les forces du partage en ligne, en tissant de nouvelles relations avec le public ?

Zones d’ombre

Mais la belle histoire de Gangnam Style comporte aussi des zones d’ombre préoccupantes. Le système Content ID mis en place par Google pour surveiller les contenus postés sur YouTube n’est rien de moins qu’une sorte de police privée du copyright, organisée par entente entre un géant du web et les titulaires de droits. Cette application robotisée des règles du droit d’auteur provoque souvent des retraits abusifs, parfois particulièrement inquiétants, comme si la machine frappait aveuglément. YouTube vient d’ailleurs de modifier les règles du système pour permettre aux utilisateurs de se défendre plus efficacement, mais le principe même de cette régulation par algorithme reste contestable.

Plus encore, la monétisation des contenus organisée par YouTube constitue une forme de “licence globale privée » : elle a le même effet d’ouvrir les usages, mais les “libertés” qu’elle procure sont limitées à la plateforme de YouTube et lui permettent de capter la valeur générée par ces pratiques. Les licences globales privées sont en réalité des privilèges juridiques, que les grands acteurs du web sont en mesure de se payer, en amadouant les titulaires de droits par le bais de la promesse d’une rémunération.  Et ce système maintient une forme de répression et d’incertitude constante pour les internautes quant à ce qu’ils peuvent faire ou non.

Il est important de se demander si nous n’avons pas intérêt à ce qu’une licence globale publique organise l’ouverture des usages sur la base de libertés consacrées, tout en assurant un financement mutualisé pour la création. Des propositions comme celle de la contribution créative favoriseraient l’émergence de succès comme celui de Gangnam Style, sans rendre les artistes et le public dépendants d’une plateforme telle que YouTube. De la même façon, il serait infiniment préférable qu’une exception législative soit votée en faveur du remix (comme cela a été fait cette année au Canada) plutôt que cette liberté soit simplement “octroyée” aux internautes par des acteurs privés, sur la base d’arrangements contractuels.

Ne pas être à cheval sur le droit d’auteur, il semble que cela puisse conduire au succès, mais gardons absolument en selle l’idée que les libertés numériques doivent être publiquement consacrées !


Images via la vidéo Gangnam Style.

]]>
http://owni.fr/2012/10/05/gangnam-style-nest-pas-a-cheval-sur-le-droit-dauteur/feed/ 32
Droits d’auteur sur les zombies http://owni.fr/2012/09/26/droits-dauteur-sur-les-zombies/ http://owni.fr/2012/09/26/droits-dauteur-sur-les-zombies/#comments Wed, 26 Sep 2012 11:08:43 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=120767

Zombie's eye view by Jamie Mellor (cc)

Les zombies sont partout en ce moment ! Alors qu’une série de faits étranges ont eu lieu cet été qui ont pu faire penser qu’une attaque de cadavres titubants était proche, on leur consacre en cette rentrée un ouvrage de philosophie, Petite philosophie du zombie, qui s’interroge sur les significations du phénomène. Et des hordes d’aficionados trépignent d’impatience en attendant la diffusion de la troisième saison de Walking Dead, programmée pour la mi-octobre, sur laquelle ils se jetteront comme des rôdeurs sur de la cervelle fraîche !

Comme le rappelait un excellent reportage d’Arte consacré à ces monstres revenus d’outre tombe, la manière dont les zombies ont envahi peu à peu la culture populaire tient à leur incroyable capacité à se réinventer sans cesse, depuis que les films fondateurs de George Romero ont introduit l’archétype du zombie moderne.

Après avoir colonisé le cinéma d’horreur, ils se sont répandus dans tous les domaines avec une facilité étonnante : dans la musique avec le clip Thriller de Michael Jackson, dans la littérature avec le Guide de survie en territoire zombie de Max Brook ou la parodie du roman de Jane Austen Pride and Prejudice and Zombie, ou dans le jeu vidéo depuis Resident Evil jusqu’au récent titre délirant Lollypop Chainsaw.

Des colloques entiers sont à présent organisés pour essayer d’analyser les causes de cette zombie-mania. Dans sa Petite Philosophie du Zombie, Maxime Coulombe explique que ces créatures sont l’écho des interrogations actuelles de nos sociétés sur la mort, la conscience ou la civilisation. C’est certainement vrai, mais il existe également une raison juridique fondamentale qui explique l’aisance avec laquelle les zombies ont pu infester à vitesse grand V tous les champs de la création.

Le premier film de George Romero, Night of the Living Dead,  n’a en effet jamais été protégé par le droit d’auteur, à cause d’une incroyable boulette commise par son distributeur… Paru en 1968, le film est donc directement entré dans le domaine public, alors qu’il devrait toujours être protégé aujourd’hui, puisque Romero, “The Godfather of all Zombies”, est toujours en vie.

Cette destinée juridique singulière explique sans doute que la Zombie Movie Data Base comporte… 4 913 entrées à ce jour, dont beaucoup s’inspirent directement du premier film fondateur de Romero, sans risquer de procès, ni avoir à payer de licence. Cette particularité du Zombie (qu’il ne partage pas du tout avec le Vampire, comme on va le voir plus loin) dit quelque chose d’important à propos du droit d’auteur et de la création : la protection n’est pas toujours la meilleure façon pour une œuvre d’assurer sa diffusion.

Right of the Living Dead

Si vous allez sur Internet Archive, vous pourrez trouver Night Of The Living Dead , disponible librement et gratuitement en streaming ou en téléchargement, avec une mention de droit indiquant “Public Domain :  No Right Reserved“. Pourtant, la plupart des films sortis à la fin des années soixante n’entreront dans le domaine public que dans la seconde moitié du 21ème siècle !

Affiche du film "La nuit des morts vivants" de Romero, (Domain public via Wikimedia Commons)

La raison de cette incongruité, c’est un véritable micmac juridique qui s’est produit à la sortie du film en 1968. A cette époque aux Etats-Unis, une oeuvre ne pouvait être protégée par le droit d’auteur que si une Copyright Notice était incluse dans les crédits, pour indiquer l’identité des détenteurs des droits de propriété intellectuelle. Or juste avant la sortie du film, le distributeur décida de changer le titre initialement prévu Night of The Flesh Eaters en Night of The Living Dead. Cette décision n’était sans doute pas mauvaise, sauf que pour opérer la modification, le distributeur retoucha les crédits dans le générique du film et supprima par inadvertance la fameuse Copyright Notice.

Le film n’a donc jamais été protégé par le copyright, ce qui ne l’empêcha pas de rencontrer un beau succès en salle. Mais l’erreur commise sur les mentions permit plus tard à de nombreux distributeurs de vidéocassettes de distribuer le film, sans avoir à reverser de droits aux créateurs. Cet aspect est certainement fâcheux, mais il a contribué encore davantage à asseoir la popularité du film et à faciliter la propagation de la figure du Zombie.

Walking Public Domain

Le zombie au cinéma a une existence bien plus ancienne que le film de Romero. On le trouve dès les années 30 aux Etats-Unis, dans des films comme White Zombie, inspiré de la tradition haïtienne et de la religion vaudou. Mais Romero a développé dans Night of The Living Dead de nombreux traits caractéristiques qui réinventent ce monstre (la démarche titubante des zombies, leur goût pour la chair humaine, la façon dont ils évoluent en horde, leur vulnérabilité aux blessures à la tête, leur peur du feu, le caractère épidémique de la propagation de l’invasion, la dimension post-apocalyptique de l’histoire, etc). Ces éléments constituent incontestablement des apports originaux qui auraient pu être protégés comme tels par le droit d’auteur.

Mais à cause de l’appartenance immédiate du film au domaine public, ces caractéristiques du zombie ont pu être reprises par d’autres et se disséminer largement. Romero a d’ailleurs été lui-même l’un des premiers à pouvoir bénéficier de cette liberté créative.

L’homme, la machine et les zombies [1/2]

L’homme, la machine et les zombies [1/2]

Première étape du voyage au pays des zombies en compagnie du psychanalyste Vincent Le Corre. Où l'on apprend que notre ...

En effet, comme l’explique le juriste américain Jonathan Bailey, Night of The Living Dead était le résultat d’une collaboration entre George Romero et un autre auteur du nom de John Russo, qui cosigna le scénario. Après le premier film, un désaccord artistique survint entre les deux hommes, sur la suite à donner à leur premier succès.

La Nuit des morts-vivants étant dans le domaine public, aucun des deux ne pouvait empêcher l’autre de réutiliser le concept du zombie tel qu’il apparaissait dans le film. Ils décidèrent de créer chacun de leur côté leurs propres suites. Les deux auteurs décidèrent en se partageant l’héritage de Night of The living Dead : Russo réaliserait une série de films comportant “Living Dead” dans le titre et Romero en ferait une autre, avec”Of The Dead” dans le titre.

C’est ainsi que Romero tourna plusieurs séquelles (Dawn of the Dead, Day of the Dead, Land of the Dead, Diary of the Dead, Survival of the Dead) dans lesquelles il put développer comme il le souhaitait la dimension politique déjà présente dans le premier film. Russo de son côté mit plutôt en avant dans sa production une vision humoristique des zombies (Return of the Living Dead, Return of the Living Dead Part II, Return of the Living Dead 3, Return of the Living Dead: Necropolis, Return of the Living Dead: Rave from the Grave).

Ces deux approches constituent les deux grandes traditions du zombie au cinéma et le jeu pour les réalisateurs successifs qui se sont emparés de ce thème a consisté à reprendre certains des éléments des films de Romero, en introduisant des différences. Le film de zombie est par définition toujours un peu un remix et c’est ce qui fait son charme !

Plus tard, les morts-vivants titubants sont sortis des salles de cinéma pour envahir tous les champs de la création. Le succès du zombie illustre en réalité la fécondité du domaine public et son rôle majeur dans le développement de la création. Pour le mettre encore mieux en lumière, on peut avancer une comparaison avec une autre grande figure du cinéma d’horreur : le Vampire.

Appelez-le Dra©ula !

L’anecdote est peu connue, mais le film Nosferatu le Vampire de F.W. Murnau a connu lui aussi une aventure juridique assez incroyable, à cause du combat que durent livrer ses créateurs avec les ayants droit de Bram Stoker, l’auteur de Dracula.

Au début des années 20, le producteur du film, Albin Grau, souhaitait réaliser une adaptation du roman Dracula, mais il ne parvint pas à se faire céder les droits par la veuve de Bram Stoker, particulièrement dure en affaires. Le projet fut néanmoins maintenu, en introduisant des différences notables par rapport au roman, pour tenter d’échapper aux accusations de plagiat.

Le lieu de l’action fut déplacé de Londres en Allemagne ; Dracula devint un Comte Orlock à l’apparence monstrueuse pour se démarquer du dandy victorien de Stoker et Murnau introduisit des détails absents du roman, comme le fait que la lumière du jour détruise les vampires ou que leur morsure transforme leurs victimes à leur tour en monstres sanguinaires. Comme le relève le site Techdirt, un certain nombre des traits que nous associons aujourd’hui naturellement aux vampires découlent en réalité de la nécessité pour Murnau d’éviter une condamnation pour violation du droit d’auteur !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Malgré ces précautions, le film fut attaqué en justice avec succès en Allemagne par la veuve de Stoker en 1925. La condamnation entraina la faillite de Prana Films, la société d’Albin Grau et la destruction de la plupart des copies et négatifs du film, ordonnée par les juges. L’histoire aurait pu s’arrêter là si une bobine n’avait pas miraculeusement survécu et été emportée aux Etats-Unis, où à cause d’une erreur d’enregistrement (encore !), le roman Dracula était déjà tombé dans le domaine public. La veuve de Stoker ne pouvant empêcher la diffusion dans ce pays, le film Nosferatu y connut le succès, jusqu’à ce que dans les années 60, il put revenir en Europe, lorsque les droit sur Dracula s’éteignirent.

Cette histoire montre ce qui aurait pu arriver avec les films de zombies, si Night of The Living Dead n’était pas entré si vite dans le domaine public. Le copyright aurait sans doute empêché que des réalisateurs reprennent les éléments du film de Romero et la figure du zombie n’aurait vraisemblablement pas pu se diffuser dans la culture populaire avec la facilité qui a été la sienne.

Zombies Remix

La morale de ces histoires de morts-vivants, c’est que les rapports entre le droit d’auteur et la création sont bien plus complexes que ceux que l’on a l’habitude de nous servir comme des vérités d’Évangile.

Les auteurs ont sans doute besoin d’une protection pour pouvoir innover, mais la dynamique même de la création implique que les créations puissent être reprises, modifiées, prolongées, enrichies et ce mouvement a encore été amplifié avec Internet. À présent, ce ne sont plus seulement les artistes qui reprennent les créations antérieures de leurs homologues. Le public s’empare lui aussi de ses œuvres préférées pour les remixer à l’infini. C’est particulièrement vrai des zombies qui font l’objet d’une production amateur impressionnante !

En comparaison, d’autres œuvres emblématiques font l’objet de tensions juridiques entre les fans et les titulaires de droits. Korben a par exemple relevé récemment que Warner Bros a agi contre une communauté d’internautes, qui avait reconstruit la Terre du Milieu du Seigneur des Anneaux, en utilisant  le générateur de cartes du jeu vidéo Skyrim. Les titulaires de droits les ont contraints à retirer de cet univers toutes les mentions relatives à l’univers de Tolkien (comme les noms des lieux et des personnages, qui sont protégés en tant que tels au titre du droit d’auteur et du droit des marques).

Les zombies de Romero sont certes moins ragoûtants que les personnages du Seigneur des Anneaux, mais nés sous la bonne étoile du domaine public, ils sont parfaitement adaptées à la culture numérique.


Affiches des films via Wikimedia Commons : Night of the living dead et Nosferatu (domaine public) ; Zombie’s eye view via la galerie de Jamie Mellor (CC-byncsa)

]]>
http://owni.fr/2012/09/26/droits-dauteur-sur-les-zombies/feed/ 15
Mordre les photographes http://owni.fr/2012/09/19/mordre-les-photographes-upp/ http://owni.fr/2012/09/19/mordre-les-photographes-upp/#comments Wed, 19 Sep 2012 10:41:48 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=120403

Fortement bouleversé depuis plusieurs années par les évolutions du numérique, le secteur de la photographie professionnelle s’organise et réagit pour proposer des solutions au gouvernement. Ainsi, L’Union des Photographes Professionnels (UPP) propose un Manifeste des photographes en huit points, indiquant des pistes par lesquelles le législateur pourrait agir pour améliorer leur condition.

Après une première lecture, ma première envie a été de les mordre… littéralement ! Tellement ce manifeste constitue en réalité une déclaration de guerre contre la culture numérique.

Par exemple, les photographes professionnels sont engagés dans une véritable croisade contre la gratuité et les pratiques amateurs, qui sont effectivement massives dans le domaine de la photographie. Ils confondent dans une même invective les microstocks photo (banque d’images à bas prix, comme Fotolia) et des sites de partage d’images, comme Flickr ou Wikimedia Commons, où les internautes peuvent rendre leurs photographies réutilisables gratuitement par le biais de licences Creative Commons (plus de 200 millions sur Flickr et plus de 10 millions de fichiers sur Commons).

Leur hantise est que ces photographies gratuites puissent être réutilisées par des professionnels de l’édition (dans le cas où la licence utilisée ne comporte pas de clause NC – pour NonCommercial). Lesquels auraient dû être obligés – dans leur esprit – de se tourner vers eux pour se procurer des images contre espèces sonnantes et trébuchantes. D’où l’impression que l’explosion des pratiques amateurs constitue une insupportable concurrence, qui serait la cause des difficultés touchant leur secteur d’activité.

Et leur projet, pour lutter contre ce phénomène, consiste tout simplement à interdire la gratuité, ou plus exactement comme nous allons le voir ci-dessous, à rendre la gratuité… payante !

Cet élément constituerait déjà à lui seul une raison suffisante pour avoir envie de les mordre. Mais en poursuivant la lecture de leurs propositions, on se rend compte que l’UPP soutient aussi… la licence globale !

Concernant l’utilisation d’oeuvres par des particuliers sur le web, nous constatons que le dispositif répressif instauré par la loi “Création et Internet” est inopérant et illusoire dans le secteur des arts visuels. À ce jour, les photographes, ne perçoivent aucune rémunération en contrepartie de ces utilisations.

L’UPP s’est prononcée dès 2007 en faveur de la mise en place d’une licence globale pour les arts visuels, dispositif équilibré, qui vise à concilier l’intérêt du public et la juste rétribution des auteurs.

Cette prise de position mérite considération, car les photographes professionnels doivent être aujourd’hui l’un des derniers corps de professionnels de la culture à soutenir la licence globale (dans le domaine de la musique, les interprètes de l’ADAMI et de la SPEDIDAM la soutenaient – ce sont même eux qui ont inventé cette proposition – mais ils ont aujourd’hui modifié leurs positions).

Alors que la Mission Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle va commencer ses travaux (et devra se pencher aussi sur le cas de la photographie), j’ai décidé, plutôt que de faire un billet assassin au sujet de ces propositions, d’essayer de comprendre le point de vue de l’UPP.

Un regard objectif

Fortement impacté par les possibilités de dissémination induites par le numérique (quoi de plus simple et de plus incontrôlable que de faire circuler une photographie sur Internet ?), les photographes ont réalisé qu’un dispositif comme celui d’Hadopi est inefficace et ne peut leur être d’aucun secours. Aussi sont-ils prêts à accepter de laisser circuler les contenus, en échange d’une compensation. Ils tirent les conséquences d’un des aspects de la révolution numérique et leur point de vue, en ce sens, est louable.

Facebook droit sur Instagram

Facebook droit sur Instagram

En achetant au prix fort Instagram, le géant Facebook peut surtout prendre le contrôle des droits d'auteurs sur des ...

Mais je voudrais leur expliquer ici en quoi leur opposition aux pratiques amateurs est insupportable, en cela qu’elle nie le propre de ce qu’est la culture numérique (la capacité donnée au grand nombre de créer). Il y a même là une incompréhension totale de la valeur à l’heure du numérique. Comment expliquer en effet que les photographes professionnels soient en crise grave, mais que dans le même temps Instagram soit racheté par Facebook pour la somme mirobolante de un milliard de dollars ? C’est bien que la photo amateur a une valeur, très importante, et l’un des enjeux de la réflexion conduite dans le cadre de la mission Lescure devrait être d’empêcher que cette valeur soit captée uniquement par des plateformes ou des géants du web, comme Facebook.

On associe plutôt le modèle de la licence globale à la musique ou au cinéma (les internautes paient une somme forfaitaire mensuelle pour pouvoir partager en P2P des fichiers). Mais l’idée avancée par l’UPP d’appliquer un financement en amont à la photographie n’est pas absurde. La seule différence (et elle est énorme!), c’est qu’il faut le faire sur le mode de la contribution créative, et non de la licence globale. Les deux systèmes diffèrent dans la mesure où la licence globale rétribue uniquement les créateurs professionnels, alors que la contribution créative s’étend aussi aux productions des amateurs.

Mauvais réflexe

Il y a beaucoup de choses irritantes avec les photographes professionnels, notamment une forme de double discours. Ils poussent les hauts cris lorsque le droit d’auteur des photographes est violé, mais enfreindre celui des autres ne semble pas tellement les déranger.

Sur le site de l’UPP, on trouve par exemple un billet récent dans lequel est signalé la parution d’un article consacré au droit d’auteur dans la photographie sur Nikon Pro Magazine. Mais plutôt que d’en faire un résumé, l’UPP y va franco ! Ils scannent l’article et mettent le fichier en téléchargement, ce que ne permet aucune exception en droit français (la revue de presse n’est ouverte qu’aux professionnels de la presse). Que n’auraient-ils dit si c’était une photographie qui avait fait l’objet d’un traitement aussi cavalier !

Mais passons sur l’anecdote. Le plus contestable reste la manière dont l’UPP veut mettre fin à la gratuité du partage des photographies en ligne. Cette organisation s’est déjà signalée par exemple en saisissant le Ministère de la Culture pour essayer de faire interdire le concours Wiki Loves Monuments, au motif que des professionnels pourraient reprendre gratuitement les photos placées sous licence libre sur Commons.

Dans leur programme, le moyen qu’ils envisagent pour empêcher cette forme de « concurrence » est vraiment cocasse :

Nous sommes favorables à une modification du Code de la propriété intellectuelle, prévoyant que l’usage professionnel d’oeuvres photographiques, est présumé avoir un caractère onéreux.

Cette phrase est fantastique, quand on réfléchit à ce qu’elle signifie. En gros, un professionnel – imaginons un commerce cherchant une image pour illustrer son site Internet – ne pourrait utiliser gratuitement une photo sous licence libre trouvée sur Wikimedia Commons ou sur Flickr. Il lui faudrait payer, alors même que l’auteur du cliché a sciemment décidé qu’il voulait autoriser les usages commerciaux sans être rétribué. Selon l’UPP, il faudrait donc bien payer… pour la gratuité !

Mais à qui faudrait-il que le professionnel verse cette rétribution ? C’est là que les choses deviennent fascinantes. Plus loin, l’UPP dit qu’elle est en faveur de la mise en place d’un système de licence collective étendue pour les exploitations numériques, ce qui signifie qu’ils veulent qu’une société de gestion collective (une sorte de SACEM de la photo) obtienne compétence générale pour délivrer les autorisations d’exploitation commerciale des photos et percevoir une rémunération. Dans un tel système, tous les auteurs de photographies sont réputés adhérer à la société. Ils ne peuvent en sortir qu’en se manifestant explicitement auprès d’elle (dispositif dit d’opt-out).

Pour reprendre l’exemple de la photo sous licence libre sur Wikimedia Commons, cela signifie donc que son auteur devrait envoyer un courrier à la société pour dire qu’il refuse d’être payé. Sinon, le commerce dont nous avons parlé plus haut devrait payer la société de gestion, qui reversera le montant à l’auteur (non sans avoir croqué au passage de juteux frais de gestion). Et voilà comment l’UPP imagine que la gratuité deviendra impossible (ou très compliquée) : en “forçant” les amateurs a accepter des chèques de société de gestion collective !

Ubuesque !

Mais en fait pas tant que cela…

Un peu de profondeur de champ

En réalité, ce sont les présupposés idéologiques des photographes professionnels – le rejet de la culture amateur, la guerre forcenée au partage et la croisade contre la gratuité – qui rendent leurs propositions aussi aberrantes.

Au front de la révolution du droit d’auteur !

Au front de la révolution du droit d’auteur !

Poser les fondements d'une réforme du droit d'auteur et du financement de la création : tel est l'objet d'un nouveau ...

Mais si au contraire, on considère comme un fait positif pour la culture que la photographie soit devenue une pratique largement répandue dans la population (démocratisation) et si l’on admet que la mise en partage volontaire des contenus par leurs auteurs est bénéfique d’un point de vue social, alors on peut penser d’une manière constructive le fait de récompenser tous les créateurs qui participent à l’enrichissement de la Culture sur Internet, qu’ils soient professionnels ou amateurs.

Et c’est précisément ce que veut faire la contribution créative, telle qu’elle est proposée par Philippe Aigrain notamment, dans les “Éléments pour une réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles liées“.

Dans ce système, la première étape consiste à mettre fin à la guerre au partage, en légalisant le partage non-marchand des œuvres entre individus. La seconde vise à mettre en place une contribution (un prélèvement obligatoire de quelques euros versés par les individus pour leur connexion Internet), destinée à récompenser (et non à compenser) les créateurs de contenus. Le montant global de cette rémunération (qui peut atteindre un milliard selon les estimations de Philippe Aigrain) serait à partager entre les différentes filières culturelles, et l’on peut tout fait y faire entrer la photographie. Cette rémunération ne concernait pas seulement le téléchargement, mais aussi l’usage des œuvres, que l’on pourrait mesurer en fonction du nombre de visites des sites, des rétroliens ou des partages sur les réseaux sociaux.

Dans ce dispositif, le photographe professionnel, qui met en ligne ses clichés, ne peut plus s’opposer à ce qu’ils circulent sur Internet. Mais de toute façon, il est extrêmement difficile d’empêcher que les photos se disséminent en ligne et les photographes agissent rarement contre les reprises faites par de simples particuliers, sans but commercial. En revanche, les photographes seraient tout à fait fondés à toucher une récompense monétaire, à hauteur de l’usage de leurs œuvres en ligne.

Ce système ne les empêcherait pas par ailleurs de continuer à toucher aussi des rémunérations pour les usages commerciaux, opérés par les professionnels (sites de presse ou usage promotionnel par des commerces ou des marques, usage par des administrations, etc). De ce point de vue d’ailleurs, le programme de l’UPP contient des mesures intéressantes et même nécessaires (lutte contre l’usage abusif du D.R., rééquilibrage des pratiques contractuelles, voire même cette gestion collective obligatoire).

Mais la contribution créative s’appliquerait aussi aux amateurs. C’est-à-dire que l’internaute qui partage ses photographies sur Flickr, sur Wikimedia Commons ou sur son site personnel, est elle aussi fondée à être récompensée, car elle contribue à enrichir la culture par sa production. En fonction du taux de partage/usage de ses clichés, l’amateur pourra donc toucher une rétribution, par redistribution d’une part de la contribution créative.

Une autre photo de la guerre du web

Une autre photo de la guerre du web

Passée la dimension policière de l'évènement, l'affaire MegaUpload a ravivé les débats sur la gestion des droits ...

On en arrive donc, paradoxalement, à un système pas si éloigné de la “machine de guerre” contre la gratuité imaginée par l’UPP : des amateurs, qui n’auraient pas forcément créé des œuvres dans un cadre professionnel, pourraient toucher une rétribution. Sauf que dans le dispositif conçu par Aigrain, les personnes désireuses de toucher les récompenses devraient se manifester, en s’enregistrant (système d’opt-in et non d’opt-out). Par ailleurs, les récompenses ne seraient versées que si elles atteignent un montant minimum chaque année (pour ne pas qu’elles coûtent plus cher à verser que ce qu’elles rapportent effectivement aux créateurs).

Au lieu de fonctionner sur une distinction amateur/professionnel, la contribution créative fonctionne sur une distinction entre les créateurs qui veulent toucher une récompense et ceux qui ne le souhaiteront pas (certainement très nombreux dans le domaine de la photographie).

La contribution créative, (photo)réaliste ?

La mise en place de la contribution créative dans le domaine de la photographie soulève néanmoins des difficultés particulières, et sans doute davantage que dans le secteur de la musique et du film.

Le problème réside dans la difficulté d’attribuer les photographies à leurs auteurs, alors qu’il est si simple de faire circuler, de modifier ou d’enlever le filigrane ou les métadonnées des fichiers des photographies. C’est en fait à la fois une question technique et une question de respect du droit moral des photographes. Sur ce terrain, les combats de l’UPP sont absolument fondés et ils rejoignent également les valeurs des tenants de la Culture Libre (souvenez-vous les protestations de Wikipédia contre les récupérations de Houellebecq).

Comment faire en sorte que le lien entre l’auteur et ses photographies ne se rompent pas au fil de la dissémination ? Je pense en fait que la solution est moins d’ordre technique, ni même juridique, que dans la manière dont les photographes géreront leur identité numérique et leur présence en ligne. A mon sens, une manière de contrôler la dissémination consiste pour les photographes à organiser eux-mêmes le partage de leurs contenus sur la Toile.

Un exemple permettra de comprendre de quoi il retourne. Le photographe professionnel américain Trey Ratcliffe, spécialisé dans la photo de, voyage et la HDR, a déjà adopté une stratégie globale de dissémination de ses contenus sur Internet. Il tient un blog photo très populaire – Stock In Customs - ; il diffuse ses photographies sur Flickr par le biais d’albums ; il est présent sur Tumblr où ses images sont très largement partagées et il va même jusqu’à organiser des « Expositions » sur Pinterest en retaillant ces photos spécialement pour qu’elles s’adaptent à cette interface.

Le résultat de cette stratégie “d’ubiquité numérique” est que le taux de fréquentation de ses sites et de partage de ses contenus est très fort, comme il le dit lui-même :

La licence Creative Commons augmente le trafic sur mon site où nous pouvons où nous pouvons ensuite octroyer des licences pour des photos à but commercial. Mes photos ont été consultées plus de 100 millions de fois sur mon site principal. En outre, j’ai plus de deux millions d’abonnés sur Google+.

Il augmente par ce biais sa notoriété et se construit une identité numérique très forte. Par ailleurs, l’ensemble des “lieux” où Trey Ratcliffe partage ses photos lui assurent une attribution claire de ses images, puisque que c’est lui-même qui les poste : son blog, Flickr, Tumblr, Pinterest, Google+, Twitter, etc. Bien sûr, il y a nécessairement des “fuites”, avec des reprises sauvages de ses clichés sans respect de son droit à la paternité. Mais elles sont soutenables, vu le trafic que la diffusion contrôlée des images assure par ailleurs à l’artiste.

Actuellement, Tray Radcliffe utilise une licence CC-BY-NC-SA, ce qui signifie qu’il autorise les usages non commerciaux et fait payer les usages commerciaux. C’est son business model et il a l’air de fonctionner remarquablement. Mais dans un système de contribution créative, il ne fait pas de doute qu’un photographe comme lui tirerait encore mieux son épingle du jeu, car il toucherait également une récompense pour les partages non-marchands de ses œuvres.

Dans l’article signalé plus haut de Nikon Pro Magazine, voici le point de vue, sans doute représentatif des photographes professionnels sur cette démarche :

Cette stratégie fonctionne, mais beaucoup estiment qu’elles déprécient la photographie et diminue les possibilités de gagner de l’argent pour ceux qui ont besoin de revenus afin de maintenir un standard élevé et de financer des projets.

Conception absurde de la valeur ! L’usage donne de la valeur aux œuvres, il ne les déprécie pas. Et aux Etats-Unis, certains photographes qui ont besoin de financements lourds pour monter des projets savent utiliser la plateforme de crowdfunding KickStarter.

Le point clé pour les photographes à l’ère du numérique, ce n’est pas de lutter contre le partage, mais de comprendre les rouages de l’économie du partage qui est en train de se mettre en place et de développer une agilité numérique suffisante pour tirer profit des forces de la dissémination.

Retirer l’obturateur

Cet exemple des photographes professionnels est important, notamment dans le cadre de la Mission Lescure qui s’annonce. Il montre en effet que la ligne de fracture entre les titulaires de droits et les tenants de la Culture Libre se situe essentiellement au niveau de la reconnaissance de la légitimité des pratiques amateurs et de leur nécessaire prise en compte dans les mécanismes de financement de la création.

Si ce point de désaccord était levé entre ces deux partis, il serait possible de se retrouver sur d’autres sujets (respect du droit moral et de la paternité, mise en place de contrats plus favorables aux auteurs, amélioration des systèmes de gestion pour rémunérer les usages commerciaux, etc) et d’arriver peut-être à un consensus.

La contribution créative reste néanmoins le seul système capable d’appréhender de manière globale la question de la valeur des contenus en ligne et d’organiser un financement complet, parce qu’elle prend en compte les productions amateurs.

Elle parvient à le faire en élargissant les usages, et non en provoquant des dommages collatéraux très importants sur les pratiques. J’ai déjà eu l’occasion ailleurs de démontrer que la contribution créative pouvait apporter des solutions de financement pertinentes pour la presse en ligne, bien plus que l’absurde Lex Google proposée par les éditeurs de presse, qui veut taxer les liens et les clics !

Cela pourrait être aussi le cas pour la photographie.


Photographies sous licence [CC-BY] deKevin Dooley, professeur et photographe amateur.

]]>
http://owni.fr/2012/09/19/mordre-les-photographes-upp/feed/ 51